Lire entre les lignes : des journalistes moldaves adoptent le reportage équilibré
Après de la formation sur la sensibilité aux questions de genre et des exercices d'auto-évaluation dirigées par ONU Femmes, la couverture des femmes a presque doublé en 17 journaux et médias en ligne moldaves.Date:
Cristina Arama, une reporter du portail d'actualités Unimedia.info en Moldavie, ne sollicitait des entretiens qu'avec des hommes lorsqu'elle devait rédiger un article sur la politique ou l'économie.
« Dans notre portail d'actualités, les femmes figuraient souvent sous des rubriques relatives aux questions sociales ou de mode et elles n'étaient représentées que dans 10 pour cent de l'ensemble de la rubrique politique ou économique. En tant que journaliste, je n'adoptais pas un comportement sérieux envers les femmes », confesse Mme Arama. Aujourd'hui, cette jeune femme de 25 ans pense que c'est « une justification totalement erronée que de présumer qu'il n'y a pas beaucoup de femmes spécialistes expérimentées en Moldavie ».
Ce changement de perception est survenu après sa participation à un exercice d'auto-évaluation, dans lequel les organes de presse devaient évaluer leur sensibilité aux questions de genre. L'exercice avait été lancé et mené par ONU Femmes en Moldavie, avec un soutien financier de l'Ambassade suédoise et en collaboration avec l'Association for Independent Press (AIP) et le Partnership for Development Centre, en 2013.
Toutefois, le travail d'ONU Femmes avec la presse moldave sur les articles sensibles aux questions de genre remonte à 2009, lorsque le bureau avait commencé à travailler avec Alina Radu, l'éditeur en chef du journal Ziarul de Garda, en vue de développer un ensemble d'indicateurs permettant aux médias de mener un suivi de la représentation des femmes dans les domaines du sport, de l'économie et des questions sociales.
« Cet exercice a remporté un vif succès et les organismes de presse qui y ont participé ont commencé à comprendre les implications sociétales de l'indifférence aux questions de genre », explique Ulziisuren Jamsran, représentante d'ONU Femmes en Moldavie.
Entre 2012 et 2013, le projet s'est étendu et 17 organes de presse écrite et en ligne ont participé à des exercices d'auto-évaluation mensuels plus complets, organisés sur une période de neuf mois. Les organisations se sont réunies chaque trimestre pour examiner leurs conclusions, et cette émulation les a incitées à démontrer des progrès chaque fois qu'elles se rencontraient. Elles ont également travaillé avec leurs pairs issus d'autres organes de presse en vue de promouvoir la sensibilité aux questions de genre dans leurs articles. En conséquence, 29 organisations se sont engagées à créer une plate-forme sur l'égalité de genre pour défendre l'égalité de genre et les droits humains.
« Après l'analyse, nous avons organisé plusieurs réunions dans la salle de rédaction et nous avons discuté des changements que nous devions apporter, depuis la manière de refléter la position prise par rapport aux femmes* à une représentation équilibrée des femmes par rapport aux hommes dans l'actualité », a déclaré Mme Arama, qui a participé aux auto-évaluations mensuelles.
Une analyse réalisée par l'AIP indiquait que, depuis le début des exercices d'auto-évaluation, l'équilibre hommes-femmes avait augmenté dans les actualités de presse. « Les données consignées au cours de chacun des trois trimestres de l'auto-évaluation présentent un déclin de 13,5 points de pourcentage de la représentation des hommes dans l'actualité depuis le début de l'exercice d'auto-évaluation », a indiqué Peter Macovei, directeur exécutif de l'AIP.
Entre-temps, la visibilité des femmes protagonistes dans l'actualité, sur l'ensemble des 17 organes de presse, a pratiquement doublé, passant de 16,7 pour cent en février à 28,6 pour cent en octobre 2013.
M. Macovei a souligné l'efficacité des évaluations, avec des résultats positifs « en corrélation avec l'exposition des éditeurs et des journalistes à des formations thématiques sur l'égalité de genre, ainsi qu'avec des examens de la politique éditoriale comportant une perspective de genre ».
Une autre participante, Oxana Diaconu, une journaliste du journal Unghiul de la ville d'Ungheni, à 105 km au nord-ouest de la capitale, Chisinau, a indiqué qu'elle abordait dorénavant plus de femmes pour rédiger des articles portant sur la politique, l'économie ou les affaires. « Les statistiques indiquaient que les femmes figuraient rarement dans nos articles ou qu'elles étaient représentées comme des femmes au foyer, ou encore qu'elles ne figuraient que dans les domaines de l'éducation et de la médecine et moins dans les articles portant sur la politique, l'économie ou les affaires », a-t-elle confessé.
L'exercice d'auto-évaluation sur les questions de genre dans la presse a incité les organisations de presse en Moldavie à promouvoir les femmes dans tous les domaines de la vie, particulièrement en politique. En 2014, quand ONU Femmes a lancé une campagne de plaidoyer sur les quotas hommes-femmes, sa relation avec les médias sensibles aux questions de genre était si étroite que, en une journée, ONU Femmes est parvenue à mobiliser un grand nombre d'organisations de presse pour exercer une pression sur les décideurs. Par la suite, une loi visant à établir des quotas hommes-femmes sur les listes électorales a été adoptée dès sa première présentation au Parlement.
L'avancement du journalisme sensible aux questions de genre est toutefois un travail de longue haleine, qui nécessite des efforts constants et consolidés. « La somme de travail que nous avons accompli avec la presse écrite et en ligne en matière de sensibilité aux questions de genre n'a pas encore de répercussions sur la population, et beaucoup d'organes de presse font encore preuve d'une indifférence relative à la nécessité de sensibiliser la population aux questions de genre », rappelle Mme Jamsran.
Afin d'approfondir les efforts mis en œuvre, en juin 2015, ONU Femmes lancera son prochain cycle de formations visant les médias audiovisuels, qui bénéficient de la plus grande couverture.
* En roumain, les postes haut placés et d'autres noms sont assignés au masculin ou au féminin, et les journalistes tendent à éviter d'employer la forme féminine pour les femmes.
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Pour plus d’informations, consultez la section Gros Plan sur les femmes et les médias du site Internet de la campagne Beijing+20.