Au Vietnam, des jeunes femmes s'organisent pour mettre fin à la violence dans les fréquentations
La première enquête d'opinion réalisée par de jeunes activistes sur la violence dans les fréquentations au Vietnam révèle que près de 59 pour cent des jeunes femmes ont été victimes de cette forme de violence. Ayant pris connaissance de ces conclusions, le Comité de la CEDAW (Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes), préconise la révision de la législation nationale afin de pénaliser toutes formes de violence à l'encontre des femmes, y compris la violence dans les fréquentations.Date:
« La violence dans les fréquentations chez les jeunes est un problème grave au Vietnam. La souffrance des jeunes femmes peut prendre la forme de blessures corporelles ou de stress émotionnel. Elles sont nombreuses à ressentir de la crainte et à se sentir dévalorisées ; certaines ont même tenté de se suicider », fait valoir Nguyen Kim Anh, qui a 23 ans. Elle est l'une des activistes les plus en vue de Y.Change, un groupe de jeunes femmes défendant la cause de l'égalité entre les sexes au Vietnam.
En 2014, Y.Change a réalisé la toute première enquête d'opinion sur la violence dans les fréquentations au Vietnam. Plus de 500 jeunes femmes, âgées de 18 à 30 ans, ont participé à l'enquête et les résultats ont surpris de nombreux observateurs. Près de 59 pour des femmes ont indiqué avoir vécu au moins une forme de violence perpétrée par leur partenaire. 41 pour cent ont indiqué avoir subi des agressions psychologiques. 11 pour cent ont indiqué avoir été victimes de violences sexuelles aux mains de leur partenaire. Quelque 21 pour cent des femmes ont signalé avoir subi des blessures corporelles ou psychologiques suite à des maltraitances.
« L'enquête a introduit le concept de violence lors des fréquentations, lequel était alors étranger à nombre d'entre elles », rappelle Nguyen Phuong Thanh, une autre jeune femme participant activement à Y.Change. « Les seules données disponibles provenaient d'une enquête menée dans tout le pays en 2010 sur la violence conjugale à l'égard des femmes, qui a révélé que 35 pour cent des Vietnamiennes mariées subissaient des violences sexuelles. Cette enquête nationale portait uniquement sur les formes de violence physique et sexuelle pour lesquelles existaient des éléments de preuve disponibles. Elle ne portait pas sur la violence économique ou psychologique, ni sur les couples en relation de fréquentation. »
« Alors que certaines formes de violence subies par les femmes dans leurs relations de fréquentation seraient passibles de sanctions au civil et au pénal, la plupart des jeunes femmes que nous avons interrogées ne savaient pas ce que constituait la violence dans les fréquentations ou qu'elles avaient le droit de ne pas subir de violences. Par ailleurs, elles n'avaient aucune idée où se tourner pour trouver de l’aide. Si des efforts ne sont pas suffisamment déployés pour sensibiliser le public au problème de la violence dans les fréquentations, les lois et réglementations visant à protéger les femmes de la violence ne peuvent pas être efficaces », ajoute Nguyen Kim Anh.
En juillet 2015, Nguyen Phuong Thanh, avec d'autres membres de Y.Change, ont présenté les conclusions de l'enquête d'opinion du comité de la CEDAW —un groupe d'experts indépendants qui suivent la mise en œuvre de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes (CEDAW), que le Vietnam a ratifiée—à l’occasion de sa 61e session qui s'est tenue à Genève, en Suisse. Le succès de leur action de sensibilisation a abouti à ce que soit incluse dans les observations finales du Comité la question de la violence dans les fréquentations, en demandant au gouvernement vietnamien de réviser le droit pénal et de pénaliser toutes formes de violence à l'encontre des femmes, y compris la violence dans les fréquentations.
L'enquête et l'action de sensibilisation engagée par Y.Change ont été appuyées par le Fonds pour l’égalité des sexes d'ONU Femmes, dans le cadre d'un projet visant à mieux faire entendre la voix des jeunes femmes prônant l'égalité entre les sexes en Asie du Sud-Est et mis en œuvre par le Comité d'action internationale pour les droits des femmes - Asie-Pacifique (IWRAW-AP), en coopération étroite avec le Centre de recherche sur le genre, la famille et l'environnement dans le développement (CGFED) au Vietnam.
« La violence dans les fréquentations est étroitement liée aux stéréotypes liés au genre et aux normes sociales qui banalisent les comportements de contrôle et la violence par les partenaires et les excusent. Fréquemment, les mêmes normes rejettent également la responsabilité sur les femmes », affirme Shoko Ishikawa, représentante de pays d'ONU Femmes au Vietnam. « Le problème a persisté en raison d'un manque de sensibilisation des jeunes gens, des médias et des autorités locales à cette forme de violence et également de leur compréhension limitée de ces actes déplorables. »
Depuis sa présentation au Comité de la CEDAW, Y.Change a continué à sensibiliser le public à la question de la violence dans les fréquentations et à mettre en question les stéréotypes liés au genre à travers des discussions et des campagnes de communication sur la problématique hommes-femmes, ciblant des publics jeunes. La campagne la plus récente, intitulée « Qui va faire la vaisselle aujourd'hui ? » appuyée par une vidéo, des chansons et des dessins animés, a suscité l'intérêt de près de 18 000 jeunes. Cette année, avec le soutien continu d'ONU Femmes Vietnam, le groupe mène une nouvelle enquête fondée sur une analyse plus approfondie de la violence dans les fréquentations. Cette enquête fait partie d'une initiative plus large tendant à suivre la mise en œuvre de la CEDAW au Vietnam par la voie des grands réseaux de la société civile.
« Nous savons que le fait de mettre en question les normes sociales et les stéréotypes liés au genre n'est pas une tâche aisée. Chacune de nos activités représente un pas en avant vers un monde exempt de violence à l'encontre des femmes et où les deux sexes ont la possibilité de se réaliser pleinement en tant qu'entités égales et à part entière de la société. C'est là le monde que nous voulons », affirme Nguyen Kim Anh.