Une nouvelle loi kirghize durcit les sanctions encourues pour les mariages par enlèvement
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« Une femme doit être frappée par son mari tous les jours, » dit Kamilla*, répétant les funestes paroles du mari de sa sœur défunte. Sa sœur, Kulipa, avait 19 ans lorsqu’elle a été enlevée par la force pour devenir l’épouse de son kidnappeur. « Son mariage a été un véritable cauchemar », murmure Kamilla, tremblant encore de peur au souvenir des souffrances de sa sœur.
La pratique du mariage par enlèvement, répandue dans le Kirghizistan, est toujours considérée par certaines personnes comme une tradition précieuse.
« Selon cette “tradition”, lorsqu’un Kirghize veut se marier, il choisit une femme et organise son enlèvement. Cela constitue une grave violation des droits des personnes. Les femmes se font souvent frapper et violer. Elles se sentent humiliées et se considèrent comme un bien », explique Kamilla, qui est âgée de 37 ans et fait du bénévolat auprès du Centre d’appui aux femmes, une ONG bénéficiaire du Fonds pour l’égalité des sexes.
« Ma sœur a subi toutes ces épreuves et, une fois qu’elle a enfin eu le courage de demander le divorce, elle a été tuée par son mari ».
Son mari, qui a ensuite été condamné pour meurtre, purge actuellement une peine de prison.
Il n’en demeure pas moins que la lutte contre cette pratique reste un défi. Selon des informations communiquées par l’ONG Centre d’appui des femmes, qui œuvre à l’élimination de la violence à l’égard des femmes, au moins 11 800 femmes et filles sont victimes d’enlèvements forcés chaque année au Kirghizistan, et plus de 2 000 d’entre elles dénoncent également des viols dans le cadre de ces enlèvements [1].
Seulement une affaire sur 700 fait l’objet de poursuites judiciaires, dit Rimma Sultanova, experte de la question auprès du Centre d’appui aux femmes, une donnée statistique qui illustre l’inefficacité des forces de l’ordre et du système judiciaire. Seulement une affaire d’enlèvement sur 1 500 donne lieu au prononcé d’une peine judiciaire au Kyrghizistan[2] .
Le 20 décembre 2012, le Parlement a fait un pas dans la bonne direction en approuvant une législation durcissant les sanctions face à la coutume largement répandue du mariage par enlèvement. Le Président du Kirghizistan, Almazbek Atambayev, a officiellement approuvé la modification apportée au Code pénal le 26 janvier 2013.
Une fois la loi publiée au début du mois de février, la nouvelle peine encourue par les hommes qui contraignent des femmes à se marier pourra aller jusqu’à 10 ans de prison. Cette violence était passible d’un maximum de trois ans de prison auparavant.
Bien que le Kirghizistan ait ratifié la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDAW), la Déclaration universelle des droits de l’homme, la Convention relative aux droits de l’enfant et d’autres traités internationaux visant à prévenir la violence et la discrimination à l’égard des femmes et des filles, des années de plaidoyer et de mobilisation ont été nécessaire pour entreprendre la réforme juridique.
« En vertu de l’Article 36 de la Constitution, aucun mariage ne sera enregistré sans le consentement bienveillant et mutuel des parties au mariage », affirme Ainuru Altybaeva, Membre du Parlement de la République kirghize qui a proposé des modifications à l’article 155 du Code pénal, qui alourdissent les sanctions lorsqu’une femme est « kidnappée pour être mariée contre sa volonté ».
Mme Altybaeva et Kamilla, de concert avec de nombreuses ONG, des activistes, des artistes, des sportifs de la fédération de football, des médias et le secteur privé jouent un rôle actif dans la campagne du Secrétaire général de l’ONU « Tous unis pour mettre fin à la violence à l’égard des femmes » au Kirghizistan, qui est dirigée par ONU Femmes. Une série de match de foot, de longues promenades à bicyclette et des installations de drapeaux visant à diffuser « 155 slogans » ont eu lieu à l’appui des modifications apportées à l’article 155 du Code pénal, afin de promouvoir la suppression des enlèvements de femmes.
« Exprimez-vous, racontez vos problèmes, n’ayez pas peur – C’est comme cela que vous deviendrez des agents du changement ! Vous briserez les chaînes qui vous entravent si vous commencez à lutter », assure Kamila. C’est généralement ce qu’elle dit aux rescapées qui viennent au Centre d’appui aux femmes pour chercher du secours. Ses activités de bénévole dans ce centre lui permettent d’aider les autres femmes qui se sont heurtées aux mêmes difficultés que celles rencontrées par sa sœur.
Les efforts de plaidoyer déployés par les groupes de la société civile, appuyés par ONU Femmes, ont mené à l’approbation finale de la législation durcissant les peines afférentes à la pratique répandue du mariage par enlèvement.
« L’engagement du Gouvernement kirghize en faveur de l’élimination de la violence sexiste est un signe encourageant, et nous allons certainement suivre de près l’application de ce nouvel article de loi », a déclaré Sabine Machl, Représentante d’ONU Femmes au Kyrgyzstan, après la signature par le Président du texte modifiant la loi.
*Les noms des femmes mentionnées dans cet article ont été modifiés afin de protéger leur identité.
[1] Centre d’appui aux femmes http://www.wsc.kg/
[2] http://www.wsc.kg/
« Qnd 1Kirghize vt se marier,il choisit 1femme&organise son enlèvmnt »-nvlle loi #kirghize cntre mariages par#enlèvement owl.li/huo5Q
— ONU Femmes (@ONUFemmes) February 6, 2013