Des municipalités du Kosovo améliorent leurs services en faveur des rescapées de la violence domestique

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« Dans notre municipalité, la violence domestique n’est plus un sujet tabou pour les femmes. Elles sont au courant des protections juridiques et institutionnelles qui sont à leur disposition, et sont incitées à signaler les cas d’abus domestiques. Elles commencent à changer de comportement vis-à-vis du rôle et de la condition des hommes et des femmes dans la société kosovare » se félicite Omer Daku, maire-adjoint de Gjilan/Gnjilane au Kosovo (en vertu de la résolution 1244 du Conseil de sécurité des Nations Unies).

Le maire - Kosovo

Le maire adjoint de Gjilan/Gnjilane, Omer Daku (à gauche) s’entretient avec le maire de Gjilan/Gnjilane, Qemajl Mustafa (à droite), à l’hôtel de ville, le 13 février 2013. Crédit photo : Municipalité de Gjilan/Gnjilane /Muhamet Pajaziti

La nécessité de mettre en œuvre cette initiative visant à lutter contre la violence domestique devenait des plus urgentes, cette dernière continuant de poser un grave problème au sein de la société kosovare, comme l’atteste le nombre croissant de cas déclarés. La police recense chaque année plus de 1000 cas de violences domestiques officiellement déclarés au Kosovo (en vertu de la résolution 1244 du Conseil de sécurité), qui, selon le recensement le plus récent, compte une population de moins de 2 millions d’habitants. Près de 90 pour cent de ces plaintes émanent de femmes.

La dernière enquête représentative sur les ménages au Kosovo portant sur la violence domestique, réalisée par le Kosova Women’s Network (KWN), indique que plus de 40 pour cent des cas d’abus domestique ne sont jamais déclarés à la police.

Le Kosovo (en vertu de la résolution 1244 du Conseil de sécurité), demeure une société patriarcale. Les femmes du pays ont toutefois, ces dernières années, pris conscience du besoin de déclarer les incidents, et ont réussi à faire changer la manière dont est perçue la violence domestique : autrefois considérée comme une préoccupation d’ordre privé, elle est devenue aujourd’hui une question publique et politique.

Bien que l’Assemblée du Kosovo et le gouvernement aient promulgué et adopté une loi et une Stratégie nationale sur la protection contre la violence domestique en 2010, sa mise en œuvre reste inégale.

Selon le rapport de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe pour 2012, il existe des faiblesses systémiques dans la mise en œuvre de la loi par les tribunaux, qui se traduisent par exemple au niveau des processus d’octroi des ordonnances civiles de protection aux rescapées de la violence domestique ou par le fait que la violence domestique n’est toujours considérée comme un crime dans le code pénal du pays.

Les recherches réalisées par le KWN montrent également que le système de coordination entre les institutions – la police, le système judiciaire, les services sociaux et les hôpitaux – sont faibles, et ne sont pas respectés, même lorsqu’ils existent. Il manque également un véritable dialogue communautaire entre les principaux responsables officiels chargés de mettre fin à la violence domestique.

Les femmes du Kosovo (en vertu de la résolution 1244 du Conseil de sécurité) deviennent toutefois progressivement plus conscientes de leurs droits juridiques, en partie grâce à divers projets de sensibilisation tels que le Programme commun des Nations Unies sur la violence domestique au Kosovo (Équipe des Nations Unies au Kosovo – UNKT), qui a été conçu et lancé l’an dernier par ONU Femmes et quatre agences des Nations Unies basées à Pristina (PNUD, UNICEF, FNUAP et OHCHR).

Le programme s’attache en priorité à renforcer la réponse apportée par les services essentiels pour réduire la violence domestique dans trois municipalités-pilotes : Gjilan/Gnjilane, Gjakovë/Djakovica et Dragash/Dragaš.

Il le fait en coordonnant l’action des maires et des adjoints aux maires, des départements municipaux pour l’éducation, la santé et les services sociaux, ainsi que des centres de services sociaux, des responsables municipaux en matière d’égalité des sexes, de la police, des tribunaux municipaux et des procureurs publics, des agences d’aide juridique, des défenseurs des victimes, des centres régionaux pour l’emploi, des refuges de femmes et des ONG locales.

Le programme souligne le besoin de renforcer la sensibilisation et les capacités en offrant une formation sur les responsabilités de la police et du système judiciaire, la budgétisation tenant compte des questions de genre, l’égalité des sexes et les cadres législatifs, la collecte des données, le suivi et l’évaluation des politiques, etc.

La protection de toutes les femmes contre la violence domestique dans la ville de Gjilan/Gnjilane est une priorité pour son maire, Qemajl Mustafa. « Je suis fermement attaché à prévenir la discrimination sous toutes ses formes au sein de la société kosovare.

Je suis farouchement opposé à la discrimination basée sur le genre, l’égalité entre les sexes étant une condition essentielle du développement social et du bien-être humain » indique-t-il. Ces dernières années, M. Mustafa a plaidé en faveur de l’établissement de refuges pour les rescapées de la violence basée sur le genre dans toute la région.

Dans le cadre du programme commun contre la violence domestique de l’UNKT, M. Mustafa a nommé son adjoint au maire Omer Daku à la présidence du mécanisme de coordination, qui est composé des autorités municipales, des fournisseurs de services et des organisations de femmes.

M. Daku a joué un rôle crucial pour appuyer le mécanisme municipal de coordination et les autres partenaires-clés. Cet appui a conduit à la nomination d’un coordinateur de la lutte contre la violence domestique à Gjilan/Gnjilane ainsi qu’à la mise en place d’une stratégie financée en majeure partie par les fonds municipaux.

L’importance de la coordination du système de service est pleinement reconnue par le responsable de l’un des principaux refuges pour femmes locaux.

« Dans le cadre de cet instrument, nous sommes en mesure d’assurer la prévention, la protection et la réintégration des rescapées de la violence domestique, et d’assurer en permanence que cette chaîne de services est suivie par des mesures de la part des principaux acteurs municipaux » explique Nazife Jonuzi, Directrice du Centre de Liria pour la protection et la réadaptation des femmes et des enfants, qui participera également à l’élaboration des politiques et des stratégies – un instrument important pour la mise en œuvre de la loi de 2010 sur la protection contre la violence domestique.

Nazife Jonuzi

La Directrice de Liria, Nazife Jonuzi, dans son bureau du Centre pour la protection et la réadaptation des femmes et des enfants. Crédit photo: ART FOTO/Ylfete Fazliu

La travailleuse sociale de Liria, Shyrete Stublla, indique que « les institutions pertinentes travaillent de concert pour lutter contre ce phénomène. Dans notre travail quotidien, dans le cadre duquel nous obtenons les informations juste à temps, nous assurons le meilleur service possible, et nous répondons ainsi de manière plus efficace ».

Suite à l’exemple de Gjilan/Gnjilane, ONU Femmes a été contactée par les membres du mécanisme de coordination, ainsi que par les adjoints de Gjakovë/Djakovica et Dragash/Dragaš, afin de les aider à mettre en place leur stratégie municipale et leurs plans d’action pour les deux ou trois prochaines années, et mieux assurer les services de protection en faveur des rescapées de la violence domestique.

« J’estime que notre municipalité a démontré l’approche déterminée qui est la sienne pour lutter contre ce phénomène particulièrement dangereux… J’espère que nous servirons d’exemple aux niveaux national et régional » souligne M. Mustafa, ajoutant que la promotion de l’égalité des sexes et des femmes sont des obligations constitutionnelles et juridiques.

Afin de renforcer et d’approfondir le travail qui a déjà été effectué, M. Daku a proposé d’intégrer les deux municipalités voisines de Novobërdë/Novobrdo et de Partesh/Parteš, qui comportent des communautés mélangées et serbes, dans la seconde phase du programme.