Les joueurs de rugby en Géorgie s’unissent contre la violence

Depuis des apparitions sur des panneaux d’affichage et dans des vidéos jusqu’à leur participation à des rencontres avec des hommes et des garçons dans l’ensemble du pays, les joueurs de rugby géorgiens mènent une campagne de sensibilisation visant à éliminer la violence à l’égard des femmes. La perception du public est en train de changer, les victimes de violence sollicitent un soutien, et les hommes et les garçons se dressent contre la violence.

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UN Women's Campaign Billboard – My team supports me! August 2015 Tbilisi Georgia Photo: EGO Magazine/Sasha Prishvin for UN Women
Photo: EGO Magazine/Sasha Prishvin for UN Women

En décembre 2010, des panneaux d’affichage pour le moins « inhabituels » ont fait leur apparition dans les rues de Tbilissi, la capitale de la Géorgie. « Que ceux qui maltraitent les femmes viennent se frotter à nous », lançaient les célèbres stars du rugby sur les panneaux d’affichage. Ils encourageaient les femmes confrontées à la violence domestique à appeler le numéro du service d’assistance téléphonique, que le gouvernement venait de mettre en place avec le soutien d’ONU Femmes. Les panneaux d’affichage ont surpris – même choqué – les habitantes et habitants de Tbilissi. La violence à l’égard des femmes était un sujet tabou. Pourquoi les joueurs de rugby en parlaient-ils ?

En 2010, découvrant l’étendue de la violence domestique dans leur pays lors de discussions avec des représentantes et représentants d’ONU Femmes, les membres de l’équipe géorgienne de rugby à XV ont souhaité faire partie de la solution. Selon une étude menée dans le pays en 2009 par le Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP), une femme sur 11 vivant en concubinage ou mariée a subi des violences physiques ou sexuelles aux mains de son concubin ou de son mari [1]. Pourtant, personne n’en parlait publiquement ; plus de 78 pour cent de la population pensait que la violence domestique était une « affaire qui ne se discute pas hors du cercle familial » [2].

En 2012, dans l’une des premières étapes de sa collaboration avec ONU Femmes, l’équipe géorgienne de rugby à XV a dédié le match international préliminaire entre la Géorgie et la Russie à la campagne TOUS UNiS pour mettre fin à la violence à l’égard des femmes du Secrétaire général des Nations Unies. Les célèbres joueurs de rugby sont également apparus dans des vidéos condamnant la violence à l’égard des femmes et des filles, que des millions de personnes ont regardées à la télévision et sur les médias sociaux.

Par la suite, les joueurs ont entamé une série de rencontres avec les jeunes hommes et les garçons des quatre coins de la Géorgie, au cours desquelles ils les sont entraînés à jouer au rugby et les ont informés sur les principes de l’égalité ainsi que du respect et du soutien mutuels, qui constituent le fondement du rugby. Ils ont appelé et incité les jeunes hommes et les garçons à n’avoir aucune tolérance face à la violence contre les femmes. À ce jour, 35 rencontres ont eu lieu, et ils attirent toujours un public très nombreux. Au moins 20 rencontres supplémentaires seront menées d’ici fin 2020.

« Nous adorons le rugby et, à Tserovani, nous avons notre équipe de rugby, les Knights. Nous avons abordé un grand nombre de questions. La violence est inacceptable, en particulier celle qui est infligée aux femmes et aux filles. Telle est la devise des joueurs de rugby, et nous aussi, nous sommes de cet avis », a déclaré Giorgi, un jeune de 16 ans qui a participé à une rencontre organisée cette année au camp de personnes déplacées de Tserovani.

Girls wear HeForShe shirts as they stand with players on the field before the Georgia vs Japan  World Cup Qualifier in November 2014 in Tbilisi, Georgia. Photo: UN Women/Maka Gogaladze
Photo: ONU Femmes/Maka Gogaladze

« Tout le monde adore le rugby et respecte les joueurs de rugby en Géorgie. C’est pour cette raison qu’il est important d’user de notre influence et du respect dont nous bénéficions pour aider à forger les valeurs des jeunes générations en faveur d’un environnement juste et équitable pour toutes et tous, sans violence », a indiqué Lekso Gugava, membre de l’équipe nationale de rugby géorgienne, les « Lelos ».

Chaque année, les Lelos consacrent plusieurs matches internationaux à la sensibilisation du public à la violence contre les femmes et les filles. En 2014, ils ont dédié le match qui les opposait au Japon au mouvement HeforShe d’ONU Femmes en faveur de l’égalité des sexes. Milton Haig, l’entraîneur principal des Lelos, se fait le champion de la cause. « Nous tous – les Lelos, les entraîneurs et les membres de la grande famille du rugby – sommes fiers de porter les tee-shirts de cette campagne contre la violence à l’égard des femmes et des filles », a confié M. Haig.

Milton Haig, Chief Coach of the Lelos wearing a UNiTE branded t-shirt form the Georgia-Russia pre-match press conference (November 2012) Photo: UN Women/Maka Gogaladze
Foto: UN Women/Maka Gogaladze

Dans le cadre du programme conjoint des Nations Unies en faveur de l’égalité des sexes que finance le gouvernement de Suède, l’équipe géorgienne de rugby à XV s’est associée avec ONU Femmes pour élaborer un manuel spécial à l’intention des entraîneurs de rugby. Le manuel les aide à enseigner les principes du rugby, ainsi que l’égalité des sexes et la tolérance zéro vis-à-vis de la violence à l’égard des femmes, aux enfants de 8 à 15 ans dans les clubs de rugby de tout le pays. Les entraîneurs de rugby doivent suivre une formation obligatoire qui porte notamment sur l’égalité des sexes et la tolérance zéro face à la violence contre les femmes.

Les campagnes de sensibilisation du public menées en partenariat avec le gouvernement, les organisations non gouvernementales et d’autres acteurs, comme les joueurs de rugby, ont fini par briser le silence « assourdissant » qui régnait autour du problème de la violence à l’égard des femmes et des filles en Géorgie. Les résultats sont flagrants : selon une étude menée par ONU Femmes en 2013 portant sur les perceptions qu’a le public de la violence à l’égard des femmes, 69 pour cent des personnes pensaient que la violence domestique est un crime. Les signalements des cas de violence domestique ont considérablement augmenté ces dernières années. Selon le ministère des Affaires internes de Géorgie, leur nombre a doublé en 2015, et le nombre d’injonctions restrictives a augmenté, passant de 227 en 2013 à 2 598 en 2015. Davantage de femmes victimes de violence accèdent à des refuges et des services d’assistance aujourd’hui.

 « J’adore le rugby, et mon fils et moi ne manquons jamais une occasion d’aller voir les matches des Lelos », déclare Giorgi Duchidze, un fervent admirateur de l’équipe de rugby. « Je suis fier que notre équipe défende des valeurs comme l’égalité des sexes et qu’elle dénonce la violence à l’égard des femmes et des filles, parce que les athlètes ont un rôle majeur à jouer en tant que modèles pour montrer aux jeunes ce qui est bien et ce qui est mal ».