En Asie, les réseaux sociaux font changer les mentalités des jeunes à propos de la violence

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Pour mobiliser les jeunes, rien de tel qu'un Tweet bien ficelé, ou, en Chine, selon les cas, un bon message Weibo en 140 caractères maximum. Ajoutez l'intervention d'une ou deux jeunes vedettes, et vous avez tous les ingrédients pour rassembler une masse critique par le biais du numérique.

Un jeune couple rejoint l'appel à l'action pour mettre fin à la violence à l'égard des femmes à l'Université de médecine traditionnelle de Beijing, le 25 novembre 2012. Crédit photo : Eastern Campus

« Les réseaux sociaux ont la capacité de toucher et de mobiliser une immense audience dans tout le pays. Si l'on s'y prend bien, ils peuvent même permettre d'ouvrir un débat sur un thème qui fait rarement l'objet d'une discussion publique en Chine, comme c'est le cas avec la violence à l'égard des femmes et des filles » note Julia Broussard, Directrice de pays d'ONU Femmes en Chine. « C'est une manière idéale d'encourager les jeunes à réfléchir aux questions liées au genre. Et lorsque des vedettes comme Chen Kun font campagne à vos côtés, cela suscite un énorme intérêt ».

Appuyé par ONU Femmes et organisé par « l'Eastern Campus » depuis le début 2011, le programme « 17 MAN » a habilement utilisé les réseaux sociaux et les personnalités sur lesquelles les jeunes prennent modèle pour promouvoir une réflexion plus approfondie sur les rôles dévolus aux deux sexes, et sur la manière dont les inégalités et les stéréotypes peuvent mener à la violence, notamment chez les jeunes hommes. À ce jour, ce programme a touché plus de 100.000 jeunes gens. En mandarin standard, le « 1 » et le « 7 » se prononcent de la même manière que le mot « ensemble ».

De nombreux étudiants des campus universitaires de premier plan des villes de Beijing, de Shanghai, de Guangzhou et d'Hunan se sont joints à cette campagne. À titre d'exemple, le 25 novembre dernier, Journée internationale pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes, 3.500 jeunes hommes se sont personnellement engagés à dire « NON », en ligne et sur les campus.

Ils ont été rejoints et inspirés par les ambassadeurs de la campagne : Chen Kun, jeune acteur extrêmement populaire et le boys band ALiLang. « Tout le monde a le droit de vivre sans violence ! » souligne la vedette de cinéma dans une vidéo enregistrée pour ONU Femmes. De leur côté, les chanteurs ont demandé instamment à leurs fans masculins de les rejoindre « en tant que vrais hommes, en disant NON à la violence à l'égard des femmes ! ».

Que ce soit en promouvant des débats avec des spécialistes de l'ONU sur la discrimination, ou par le biais d'un quiz et de compétitions en ligne portant sur les stéréotypes hommes-femmes, la campagne Weibo a alimenté le débat et la discussion numériques. L'une des questions du quiz est « Un homme faisant la cuisine à la maison peut-il réussir ? ». « Comment un époux ou un petit ami peut-il résoudre un différend de la manière la plus efficace ? ». Les jeunes, dont beaucoup d'adolescents, se sont pris au jeu, et se sont mis à changer leurs façons de penser.

« On ne résout pas un conflit par la violence » a répondu @WeiWei0506 à la dernière question. « Sois patient et souris. Communique avec elle. En fait, la chose la plus importante que doit faire un homme, qu'il soit un mari ou un petit ami, est de lui montrer sa sincérité et son respect ».

Un autre internaute, @MengNan123, a donné son propre point de vue : « Pour résoudre les différends, les deux parties - le mari et la femme - doivent chercher un terrain d'entente commun. Chacun doit faire un effort pour promouvoir une relation familiale saine. En aucun cas la violence domestique ne saurait assurer la dignité de l'homme au sein de sa famille ».

Cet outil est utilisé pour les mêmes fins partout en Asie. En vertu de la Campagne mondiale Tous UNiS pour mettre fin à la violence à l'égard des femmes, par exemple, ONU Femmes collabore avec la Fondation indonésienne PULIH sur le Mouvement des 5 doigts ou « Gerakan Lima Jari » pour dire « Non ».

Ciblant les jeunes gens gés de 18 à 25 ans, la campagne a organisé une exposition itinérante dans les lycées et universités de Jakarta, comportant des petits ateliers sur la publicité et la photographie numériques pour explorer le thème de la violence à l'égard des femmes et des filles. Elle a utilisé les réseaux sociaux comme Twitter (@gerakan5jari) et Facebook (Gerakan 5Jari) en vue de sensibiliser aux manifestations organisées dans son cadre, mais a également diffusé des informations sur la violence dans les fréquentations, et sur les services offerts aux victimes et aux rescapées.

Travaillant avec l'organisation non gouvernementale « Internationale Partners for Prevention » (P4P), ONU Femmes a également lancé quatre autres campagnes pilotes sur les réseaux sociaux, faisant participer plus de 65.000 jeunes par le biais de messages positifs sur la prévention en Inde, en Indonésie, au Viet Nam mais aussi de nouveau en Chine. En 2011, dans le cadre de la campagne internationale des 16 Jours d'activisme contre la violence sexiste, 76 ONG partenaires du Cambodge se sont par ailleurs unies sous la bannière de Tous UNiS pour sensibiliser quelque 10.000 jeunes en ligne.

Signatures de jeunes entrepreneurs chinois qui se sont engagés à mettre fin à la violence à l'égard des femmes dans le cadre d'une campagne appuyée par ONU Femmes, organisée par « l'Eastern Campus » et publiée sur Weibo. Crédit photo : Eastern Campus

« L'acquisition de connaissances élémentaires sur les relations saines est utile pour tout le monde » souligne le représentant d'un syndicat étudiant de l'Université des médecines traditionnelles de Beijing, évoquant les débats qui ont agité le campus ces dernières années. « Je comprends désormais que la violence domestique n'est pas une affaire privée, mais une question de droits fondamentaux des femmes. Chacun, notamment les jeunes comme nous, doit prendre des mesures en vue de renforcer la sensibilisation du grand public à cet égard, pour mettre fin à la violence domestique ».