La Directrice exécutive Michelle Bachelet intervient devant les parlementaires australiens
Date:
Remarques prononcées par la Directrice exécutive d'ONU Femmes, Michelle Bachelet, devant le Parlement australien, en Australie, le 23 août 2012.
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Madame la ministre Julie Collins,
Honorables membres du Parlement,
C'est un grand plaisir de me trouver parmi vous ce matin. Je souhaiterais remercier l'Agence australienne pour le développement international (AusAID) ainsi que le Comité national d'ONU Femmes d'avoir organisé cette manifestation et de nous avoir tous réunis ici.
Je suis honorée d'être la première dirigeante d'ONU Femmes.
J'ai toujours aimé prendre la parole devant des parlementaires, car vous êtes le pont entre les citoyens et leur gouvernement. Votre rôle est d'assurer que les préoccupations des gens sont prises en compte et traitées, dans le cadre des lois, des politiques et des budgets.
Je suis ici aujourd'hui pour vous en dire un peu plus sur ONU Femmes, sur nos priorités et sur ce que nous faisons, ainsi que pour renforcer notre partenariat en faveur de l'égalité des sexes et de l'autonomisation des femmes.
Je félicite l'Australie pour le rôle leader qu'elle joue en faveur des femmes et de l'égalité des sexes. Je remercie votre pays de l'appui financier et politique solide qu'il apporte à ONU Femmes ainsi que de figurer au nombre de ses plus importants donateurs. ONU Femmes a été créée en 2010 en vue de promouvoir l'égalité des sexes et l'autonomisation des femmes.
Aujourd'hui, ONU Femmes est présent dans 75 pays, et travaille avec ses partenaires, dont l'Australie, sur 5 priorités principales:
- Premièrement, à promouvoir la participation et le leadership politiques des femmes.
- Deuxièmement, à renforcer l'autonomisation économique des femmes.
- Troisièmement, à mettre fin à la violence à l'égard des femmes et des filles.
- Quatrièmement, à faire pleinement participer les femmes aux pourparlers de paix et à la consolidation de la paix.
- Et cinquièmement, à promouvoir la planification et la budgétisation pour l'égalité des sexes.
Permettez-moi de commencer en vous précisant ce que nous faisons pour élargir la participation et le leadership politiques des femmes. En septembre dernier, ONU Femmes a réuni aux Nations Unies des femmes dirigeantes des quatre coins du monde pour appeler au renforcement de la participation politique des femmes et de la prise de décisions par celles-ci.
En décembre 2011, les nations du monde ont convenu de prendre des mesures concrètes et proactives en vue de promouvoir la participation et le leadership des femmes en politique. Nous avons maintenant la responsabilité collective de faire avancer cette importante résolution.
Lorsque davantage de femmes se trouvent à des positions de direction, les décisions prises reflètent et répondent mieux aux divers besoins de la société. Je sais par expérience que lorsqu'une femme devient dirigeante, cela la transforme. Lorsque davantage de femmes sont aux commandes, la politique et les politiques s'en trouvent changées.
Il est essentiel que la voix des femmes soit entendue. Davantage de femmes doivent occuper des postes de prise de décisions. Nous avons besoin de plus de femmes aux côtés des hommes.
Aujourd'hui, moins de 10 pour cent des dirigeants mondiaux et moins d'un parlementaire sur cinq sont des femmes. La masse critique de 30 pour cent de femmes au sein du parlement a été atteinte ou dépassée dans seulement 33 pays.
Et nous savons qu'ici, dans le Pacifique, à l'exception de l'Australie et de la Nouvelle Zélande, la représentation des femmes au sein des parlements présente la triste caractéristique d'être la plus basse au monde, s'élevant à seulement 3,5 pour cent contre 20 pour cent au niveau mondial. De plus, la majorité des parlements du monde ne comptant aucune femme ou une seule femme se trouvent ici dans la région Pacifique. Mais la bonne nouvelle est que la situation est en train de commencer à changer.
Trois femmes candidates ont été récemment élues au sein du 9ème parlement de la Papouasie-Nouvelle Guinée. Les femmes sont soutenues par une campagne appelée « Connaissez votre candidate », qui a été lancée dans le pays en perspective des élections nationales de cette année. La campagne est la première de son genre en Papouasie-Nouvelle Guinée, et a été prise en main par le Conseil national des femmes, avec l'appui d'ONU Femmes.
Des progrès sont également en cours à Samoa, où le Premier ministre a proposé l'an dernier qu'un quota de 10 pour cent de femmes soit mis en place pour les prochaines élections. Et des mesures sont en train d'être prises à Vanuatu pour imposer une représentation de 30 pour cent de femmes au sein des conseils municipaux et provinciaux ainsi que du parlement national d'ici à 2015.
Dans l'ensemble, comme vous le savez, l'opportunité de réserver ou non des sièges aux femmes fait l'objet d'un large débat ici dans le Pacifique. Et ONU Femmes apporte son appui aux pays, candidats, partis politiques, électeurs, commissions électorales et initiatives législatives en vue d'assurer que davantage de femmes votent et sont élues.
La promotion de la situation économique des femmes est une autre priorité. Aujourd'hui, plus de la moitié des femmes qui travaillent dans le monde occupent des emplois précaires, les écarts de salaires entre hommes et femmes demeurent importants, et les femmes doivent lutter au quotidien pour préserver l'équilibre entre leurs vies familiale et professionnelle.
Le fait de renforcer le rôle économique des femmes peut permettre d'accélérer le redressement économique, et de le rendre plus équitable et durable. Les études montrent que les femmes sont plus enclines que les hommes à réinvestir leur revenu dans leurs communautés pour faire baisser la faim et les taux d'analphabétisme et de mortalité ainsi que renforcer la croissance économique.
De solides arguments économiques plaident en faveur de la réalisation de l'égalité des sexes. Comme vous le savez, on estime que le fait de réduire l'écart existant entre les sexes au niveau de la participation de la main-d'œuvre pourrait permettre d'accroître le Produit intérieur brut de l'Australie d'un pourcentage pouvant aller jusqu'à 13 pour cent.
Le Forum économique mondial montre qu'il existe une corrélation positive entre une plus grande égalité des sexes et le produit national brut par habitant. Les pays caractérisés par une plus grande égalité entre les femmes et les hommes ont des économies plus compétitives et à la croissance plus rapide. Une étude des Nations Unies montre que l'élimination des entraves à la pleine participation économique des femmes ici dans cette région pourrait faire croître l'économie de l'Asie-Pacifique d'une somme allant jusqu'à 89 milliards de dollars américains par an.
Pour ces raisons et d'autres, ONU Femmes aide les pays à éliminer les obstacles qui limitent la participation économique des femmes - en fournissant une formation et des compétences en vue d'élaborer des lois, des politiques et des conditions justes pour les femmes.
Nous faisons appel au secteur privé. Je vais quitter Canberra pour me rendre à Sydney pour participer à une réunion spéciale sur les Principes d'autonomisation des femmes. À ce jour, plus de 400 entreprises dans le monde, y compris des dizaines basées en Australie, ont adopté ces principes en vue de promouvoir l'égalité des chances et des salaires ainsi que le leadership des femmes. J'émets l'espoir que davantage d'entreprises australiennes nous rejoindront. L'éradication de la violence à l'égard des femmes et des filles constitue une autre priorité.
On estime qu'une femme sur trois sera victime de violence domestique ou sexuelle au cours de son existence ici en Australie et dans le monde, les enquêtes montrant des taux encore supérieurs dans certains pays du Pacifique.
En Australie, le Conseil national pour réduire la violence contre les femmes et leurs enfants estime qu'une telle violence coûte à la nation quelque 13,6 milliards de dollars chaque année. Le prix à payer est élevé. Et nous ne pouvons pas mettre un prix à la souffrance des femmes et des enfants ni chiffrer l'impact de cette violence sur les générations futures. Partout dans le monde, une première étape décisive a été franchie. Le silence qui pendant tant d'années a permis la perpétuation de ces crimes a été rompu.
Aujourd'hui, plus de 125 pays sont dotés de lois spécifiques qui pénalisent la violence domestique, ce qui constitue une avancée remarquable par rapport à il y a seulement une décennie. Les études montrent que les pays ayant des lois solides ont des taux de violence à l'égard des femmes plus bas.
De plus, le Conseil de sécurité des Nations Unies reconnaît désormais la violence sexuelle comme un tactique de guerre délibérée. Et les avancées faites au niveau du droit international ont, pour la première fois, permis de poursuivre les auteurs de violences sexuelles commises pendant et après les conflits.
Aujourd'hui, les femmes et les hommes ainsi que les jeunes du monde entier, comme c'est le cas ici en Australie, se rassemblent pour promouvoir la « tolérance zéro » à l'égard de la violence contre les femmes et les filles.
Aux Iles Fidji, les comités de village signalent les violeurs à la police. Ils disent à tout le monde qu'Aucune forme de violence ou d'abus ne sera tolérée. Et j'ai entendu dire que le comportement des femmes est en train de changer, à la grande satisfaction évidente de celles-ci. L'an dernier, 15 communautés fidjiennes se sont jointes à la campagne pour la tolérance zéro, et 15 de plus l'intégreront cette année.
Ici dans le Pacifique et autour du monde, ONU Femmes est fière d'appuyer les efforts déployés en vue de mettre fin à l'impunité, d'apporter la justice et les services vitaux aux rescapées, et de mettre fin à la violence à l'égard des femmes et des filles.
La promotion du rôle des femmes dans le domaine de la paix et de la sécurité constitue une autre priorité. Cela est conforme à la résolution 1325 du Conseil de sécurité sur les femmes, la paix et la sécurité, et les résolutions ultérieures du Conseil de sécurité.
Ces résolutions confirment que les femmes sont davantage que des victimes pendant les conflits, elles sont des leaders de la paix et de la démocratie.
Si les femmes paient un lourd tribut pendant les conflits, elles sont souvent les premières à trouver des solutions, à promouvoir la réconciliation et à assurer que chaque voix est entendue pendant la reconstruction du pays. Pourtant, depuis 1992, moins de 10 pour cent des négociateurs de la paix ont été des femmes ; et moins de 8 pour cent des budgets de reconstruction répondent spécifiquement aux besoins des femmes et des filles.
Voilà pourquoi ONU Femmes appuie le rôle central des femmes dans les pourparlers de paix, la consolidation de la paix et le relèvement.
Grce à cet appui, les femmes ont participé aux conférences internationales afin d'appuyer la paix et le développement en Afghanistan ainsi que le plus récent État membre des Nations Unies, le Sud-Soudan.
Les atteintes aux droits des femmes ont été répertoriées par la Commission d'enquête pour la Côte d'Ivoire et la Libye dans le cadre du processus d'obtention de la justice. Une formation préalable au déploiement est fournie aux soldats du maintien de la paix des Nations Unies, afin de les aider à détecter et à prévenir la violence sexuelle, et des centaines de femmes d'Afrique et d'Asie sont désormais formées comme médiatrices pour le règlement des conflits.
Je félicite l'Australie pour le lancement, cette année, de son Plan d'action national sur les femmes, la paix et la sécurité !
Aider les pays à promouvoir la planification et la budgétisation tenant compte des questions de genre constitue une autre priorité. Cela exige de disposer de statistiques et d'analyses ventilées par sexe, afin que les plans et budgets soient basés sur des données solides et puissent bénéficier équitablement aux femmes et aux hommes. Des progrès sont réalisés à cet égard grce aux programmes actifs lancés dans plus de 50 pays.
Nous renforçons également la coordination et la responsabilité pour l'égalité des sexes dans tout le système des Nations Unies. Un plan d'action à l'échelle du système est désormais approuvé et lancé, qui nous fournit une base plus solide que jamais auparavant pour la promotion de l'intégration des questions de genre et la responsabilité au sein du système des Nations Unies.
Je souhaiterais saluer les réalisations de l'Australie sur le plan de la promotion de l'égalité des chances, afin que les femmes et les hommes puissent faire des choix véritables au sujet de leur participation à l'économie, à la société et à la vie du foyer.
L'Australie prend des mesures concrètes en faveur de l'égalité entre les femmes et les hommes, en mettant notamment en place : un régime de congé parental payé, un salaire paternel et pour le partenaire afin que le travail rémunéré et le travail domestique soient partagés, des allocations familiales ciblées sur ceux qui en ont le plus besoin, des garderies de qualité abordables et accessibles, l'égalité des salaires décidée cette année, la réforme des retraites, et le Plan d'action national australien sur les femmes, la paix et la sécurité lancé lui aussi cette année.
Je félicite l'Australie d'avoir adopté une approche globale dans tous les secteurs en vue de promouvoir l'égalité des sexes ; une approche qui associe les réformes politiques et juridiques, la protection sociale et l'autonomisation.
Je félicite en outre l'Australie pour le rôle de modèle qu'elle joue sur le plan de l'égalité des sexes et de l'autonomisation des femmes. En fait, pour ne citer qu'un exemple, ONU Femmes utilise le programme de Victoria pour mettre fin à la violence à l'égard des femmes comme modèle de son travail dans les petits États insulaires du Pacifique.
Permettez-moi de vous remercier une nouvelle fois du solide soutien que vous apportez à ONU Femmes. Mes collègues et moi-même nous réjouissons à l'avance du renforcement de cette collaboration, et du fait que l'Australie rejoigne notre Conseil d'administration en 2013.