Des médiatrices promeuvent la paix au Burundi

Alors que l’instabilité politique s’intensifie, plus de 500 Burundaises travaillent comme médiatrices du processus de paix, contribuant activement à la prévention de plus de 5 000 conflits.

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Jocelyne Ndayirorere (third from left) and other women mediators and community members work together to resolve conflict. Photo: UN Women/Bruno Gumyubumwe
Photo: ONUS Femmes/Bruno Gumyubumwe

De 1993 à 2005, la guerre civile au Burundi a coûté la vie à environ 300 000 personnes et déplacé plusieurs centaines de milliers d’habitantes et d’habitants. En 2015, de nouveaux affrontements ont éclaté.

Le conflit remue des souvenirs douloureux pour Rose Nyandwi, une femme de 59 ans. En 1972, elle a quitté l’école après l’assassinat de son père. Plusieurs décennies plus tard, en 1993, elle a perdu son mari au cours de la guerre civile. Mais elle ne s’est pas laissé abattre par ces pertes.

Cette veuve, mère de huit enfants, a réussi à retrouver un équilibre, une raison d’être et un sentiment d’appartenance à sa communauté par le biais de son travail avec les organisations de femmes. Aujourd’hui, Mme Nyandwi est médiatrice dans la province méridionale de Makamba avec le réseau de femmes pour la paix et le dialogue. Avec le soutien d’ONU Femmes, cette organisation travaille main dans la main depuis janvier 2015 avec les autorités nationales et les organisations de la société civile ainsi qu’avec les communautés, pour prévenir la violence et les conflits.

« Les victimes de conflits s’appuient sur nous pour résoudre leurs problèmes de manière efficace et respectueuse », a déclaré Mme Nyandwi. « Notre stratégie consiste à développer des partenariats… pour éviter que la communauté ne pense que nous agissons seules ».

Rose Nyandwi is a mediator for the sourthern province of Makamba, Burund. Photo: UN Women/Bruno Gumyubumwe
Rose Nyandwi. Photo: ONUS Femmes/Bruno Gumyubumwe

Le réseau compte 534 médiatrices qui travaillent dans l’ensemble des municipalités du Burundi (129 au total).

Selon leurs calculs, les médiatrices ont traité plus de 5 000 conflits au niveau local en 2015. Elles ont également lancé des dialogues avec les actrices et acteurs politiques, les forces de sécurité et la société civile dans 17 provinces.

Ce réseau a été développé compte tenu du besoin constant de processus de réconciliation après la guerre civile. Récemment, avant les élections de 2015, la candidature du Président sortant pour un troisième mandat — une décision contestée par l’opposition, qui invoque qu’elle est inconstitutionnelle — a déclenché une nouvelle crise politique et de la sécurité. Depuis fin avril 2015, les tensions entre le Gouvernement et l’opposition ont débouché sur des actes de violence sporadiques entre les forces de sécurité et les manifestants dans la capitale, Bujumbura. Dans une telle situation, le travail des médiatrices est devenu d’autant plus crucial.

Le Haut-Commissaire des Nations Unies pour les droits de l’homme a récemment sonné l’alarme à propos de « tendances nouvelles et profondément perturbantes de violations des droits de l’homme ». Plus de 230 000 personnes ont fui le pays l’an dernier. Malgré les appels à un dialogue arbitré par la communauté internationale entre le Gouvernement et l’opposition, très peu de progrès ont été réalisés. 

C’est dans ce contexte politique tendu que les médiatrices se sont lancées dans la résolution des conflits familiaux, sociaux et fonciers au niveau communautaire, qui peuvent facilement être politisés et risquent de déstabiliser les communautés. Elles ont acquis la confiance et le savoir-faire pratique nécessaires pour pallier les conflits politiques et électoraux et ont traité un nombre croissant de problèmes sensibles. Les femmes apaisent les tensions, par exemple, en assurant la médiation entre les forces de sécurité et les manifestants, et revendiquent la libération des manifestantes et manifestants et des prisonniers politiques.

Les médiatrices promeuvent la non-violence et le dialogue, et démentent les rumeurs et les craintes exagérées en présentant des informations vérifiables. Ceci permet d’éviter de semer la panique, qui a pris de l’ampleur au Burundi depuis la fermeture des médias indépendants en mai 2015.

Jocelyne Ndayirorere. Photo: UN Women/Bruno Gumyubumwe
Jocelyne Ndayirorere. Photo: Onus Femmes/Bruno Gumyubumwe

Par exemple, au début de la récente crise, Mme Nyandwi s’est rendue dans les municipalités pour sensibiliser les populations et dissiper les rumeurs créées de toutes pièces — comme la distribution d’armes en masse ou des complots visant à tuer les Tutsis (la minorité ethnique ciblée pendant la guerre civile qui a sévi dans le pays).

« Nous avons déployé beaucoup d’efforts pour convaincre les jeunes de ne pas recourir à la violence contre les forces de sécurité », a indiqué Jocelyne Ndayirorere, une infatigable dirigeante communautaire chevronnée de 50 ans. « Il ont compris notre message et, aujourd’hui, ils nous remercient de nos conseils. Ceci a permis de préserver les bonnes relations entre les forces de sécurité et les jeunes ». Selon elle, le dialogue pour la paix « doit démarrer dans les foyers, puis se propager au niveau de la communauté et, enfin, au niveau national ».

Les médiatrices comme elle et Mme Nyandwi — qui ont travaillé pour une association de lutte contre la violence basée sur le genre — ont été choisies pour leur expérience passée dans la prévention et la résolution des conflits, et elles ont bénéficié d’une formation complémentaire dispensée par ONU Femmes.

« Quand un cas nous est soumis, toutes les médiatrices de la municipalité se réunissent pour comprendre et conseiller la victime, et pour l’aider à déposer une plainte au tribunal », a déclaré Mme Nyandwi.

La plupart des victimes qui leur demandent de l’aide sont des femmes. Elles indiquent avoir le sentiment que les médiatrices les comprendront mieux que les personnes traditionnellement chargées de la résolution des conflits, qui sont principalement des hommes. Aujourd’hui, ces hommes font appel aux médiatrices pour les aider à résoudre un conflit.

Dans le même temps, Mme Nyandwi affirme que tous les hommes ne soutiennent pas leur travail : « Certaines personnes — y compris des auteurs d’actes de violence — considèrent que nous [traitons] des problèmes qui ne nous concernent pas ». Mais elle indique que cette situation change peu à peu.

« Avec la prolongation de la crise au Burundi, il est essentiel de continuer à renforcer les capacités et à soutenir les médiatrices ainsi que toutes les parties prenantes engagées dans le processus de paix », affirme le représentant d’ONU Femmes au Burundi, Jeremie Delage. « Les femmes jouent un rôle majeur en matière d’alerte précoce et de prévention des conflits. Elles sont au cœur de la résolution des conflits ».