Déclaration: Nous devons placer les voix des femmes, leurs connaissances et leur leadership au cœur de l’aide humanitaire

Déclaration de Phumzile Mlambo-Ngcuka, Directrice exécutive d’ONU Femmes, et de Natalia Kanem, Directrice exécutive adjointe du Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP), à l’occasion de la Journée mondiale des réfugiés

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Abandonner son foyer et ses possessions est une décision que personne ne prend à la légère. Quand on devient une personne réfugiée, c’est que l’on a vécu dans des circonstances insupportables, échangeant un péril immédiat contre un risque non quantifiable. Souvent parmi les groupes les plus affectés, les femmes et les filles sont confrontées à des incertitudes quant à leur statut et à leurs droits, ainsi qu’à une multitude de dangers, par exemple la forte probabilité de subir des violences sexuelles. Le FNUAP estime que, dans le monde actuel, 26 millions de femmes et d’adolescentes en âge de procréer ont besoin d’une aide humanitaire.

Certaines familles décident que le mariage est la meilleure solution pour protéger leurs filles jeunes. Selon une enquête menée récemment au Liban, 47 pour cent des femmes mariées de 20 à 24 ans ont été mariées avant leurs 18 ans. Pour ces filles, le mariage marque la fin de leur enfance, il augmente les taux d’abandon de l’école et expose ces filles à des risques de complications en termes de santé reproductive étant donné qu’elles sont trop jeunes pour tomber enceintes, en particulier du fait de la perte probable de l’accès à des services essentiels tels que ceux qui sont nécessaires pour leur santé sexuelle et reproductive. Certaines estimations indiquent que 6 à 14 pour cent de l’ensemble des femmes déplacées de 15 à 49 ans sont susceptibles de tomber enceintes, et environ 15 pour cent de celles qui tombent enceintes risquent de subir des complications potentiellement mortelles liées à leur grossesse.

L’interruption de la scolarité exacerbe ces vulnérabilités : il existe un lien direct entre les connaissances dont disposent les filles et le niveau de contrôle qu’elles exercent sur les prises de décisions concernant leur corps et leur vie. Les femmes et les filles en déplacement ont plus de risques de manquer des opportunités éducatives et d’être socialement isolées, et les filles représentent moins d’un tiers des réfugiés qui suivent une éducation secondaire. Ceci affecte également leur capacité à gagner un revenu. Ce sont les circonstances de ces femmes et de ces filles, dans le contexte de crises de réfugiés croissantes et plus généralisées, qui soulignent l’urgence de s’assurer que des services et des dispositifs de protection appropriés sont fournis à tous ceux et toutes celles qui en ont besoin.

À l’occasion de la Journée mondiale des réfugiés, nous reconnaissons les vulnérabilités uniques des femmes et des filles réfugiées et la nécessité d’améliorer les services que nous leur offrons. Nous célébrons également leur force. D’une crise à l’autre, c’est la résilience et la persistance des femmes et des filles qui permettent à leurs familles, à leurs communautés et à leurs sociétés de traverser les difficultés et de trouver des solutions durables. 

Ce sont les femmes et les filles qui militent le plus efficacement en faveur de services probants et efficients – par exemple, dans les domaines de la santé et de l’éducation – ou d’approches meilleures à la promotion des moyens d’existence. Elles ont le droit de bénéficier d’une voix équitable dans les décisions qui les touchent. Lorsqu’elles sont dans des camps, elles ne tardent pas à saisir les possibilités que leur offrent les nouvelles technologies – par exemple, dans l’éducation par le biais d’appareils mobiles – ou les programmes de rémunération en échange d’un travail qui leur permettent de développer les compétences nécessaires pour vivre hors des camps. Elles sont de véritables expertes en matière d’installations sanitaires sûres et de conception de camps favorables aux femmes et aux filles, ainsi que sur d’autres aspects essentiels de la réduction des risques de violence physique et sexuelle auxquels les femmes sont exposées et du renforcement de leurs capacités à mener une vie indépendante et épanouie. Nous devons écouter leurs idées et les amplifier.

Pourtant, nous ne sommes actuellement pas en mesure de répondre aux besoins de ces femmes et de ces filles. Les financements destinés aux services dont elles ont besoin sont en déficit chronique, et les domaines de travail essentiels tels que la prévention de la violence basée sur le genre, les mesures de prévention pour y faire face et l’éducation ne bénéficient que d’une fraction des ressources nécessaires. Nombre de femmes réfugiées dans le monde ne peuvent toujours pas compter sur une adhésion cohérente aux directives internationales relatives à la conception de camps ou à la prestation de services sensibles aux questions de genre.

Souvent, elles ne bénéficient pas des possibilités qui leur permettraient d’exercer une influence sur les décisions affectant leur vie, notamment en ce qui concerne les soins de santé, les écoles, les possibilités de formation et l’établissement de petites entreprises, ainsi que les problèmes d’éclairage dans les camps et les modalités de fourniture d’une assistance hors des camps. Les hommes s’emparent des espaces de prises de décisions, ce qui empêche une prise en compte suffisante des perspectives, des intérêts et des besoins des femmes. 

La nécessité impérieuse d’intégrer les voix, les connaissances et le leadership des femmes dans les interventions d’aide aux réfugiés ne représente pas un défi technique insurmontable, et elle n’est pas non plus inabordable. Elle doit passer par des changements modestes, mais intelligents, dans la manière dont nous écoutons, dans nos pratiques d’affectation de nos ressources et dans la conduite de nos activités. 

Le monde a pris un engagement plus ferme que jamais en faveur de l’égalité des sexes et de la protection de tous les réfugiés. La communauté internationale doit renouveler son engagement à placer les femmes et les filles sur un même pied d’égalité avec les hommes et les garçons au centre des actions de l’aide humanitaire pour les réfugiés du monde. Ni nous ni les réfugiés ne pouvons nous permettre moins.