Où je me tiens : « Cela ne sera pas facile... tendre la main, saisir le relais et continuer à courir en avant »

Fatima Askira est une jeune leader nigériane, activiste et artisane de la paix, née et élevée dans l’épicentre de l’insurrection de Boko Haram. En tant que fondatrice de l’Initiative Borno pour le développement des femmes (« Borno Women Development Initiative ») (Nigeria), elle donne aux femmes et aux filles les moyens de promouvoir la paix dans les communautés touchées par l’extrémisme violent.

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Fatima Askira. Photo: BOWDI
Fatima Askira. Photo: BOWDI
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Comme nous toutes et tous qui vivons au Maiduguri, dans le nord-est du Nigeria, ma vie a changé lorsque Boko Haram, un groupe djihadiste violent, a lancé une rébellion armée contre le gouvernement nigérian dans les années 1990.

Je venais tout juste de terminer l’université en 2012 lorsque les attaques se sont intensifiées, et les gens ont commencé à être forcés de quitter leurs maisons. Nous avions toujours été une société pacifique et j’étais profondément affectée par les histoires que j’entendais. Je me suis rendue là où les familles se réfugiaient, dans des embrasures de portes ou des bâtiments gouvernementaux, et les histoires qu’elles m’ont racontées étaient déchirantes. Ces femmes s’étaient enfuies avec pour seules possessions les vêtements qu’elles portaient au moment de leur fuite. Dans notre culture, les femmes accordent beaucoup d’importance à leur tenue vestimentaire, et j’ai donc commencé à collecter et distribuer des vêtements.

Une fois que j’ai commencé, je ne pouvais plus m’arrêter. Au début, je ne faisais que répondre aux besoins immédiats – comment trouver un refuge pour telle femme ou de la nourriture pour telle famille. Au fil du temps, j’ai commencé à développer des programmes d’assistance plus formels, puis en 2014, j’ai lancé l’Initiative Borno pour le développement des femmes (« Borno Women Development Initiative »), une ONG qui représente et aide les femmes et les jeunes touchés par des conflits. Notre personnel compte désormais plus de 150 personnes.

Aujourd’hui, nous sommes dans une phase plus stable de l’insurrection. Je me suis réorientée vers l’autonomisation des femmes pour qu’elles participent activement au processus de consolidation de la paix. Chaque fois qu’on me demande de participer à une politique ou à une intervention dans le cadre de la consolidation de la paix, je demande : « Où sont les femmes ? » Bien que nous soyons profondément touchées par l’extrémisme violent, nos voix et nos expériences sont rarement entendues.

Notre travail de réhabilitation et de réinsertion est essentiel à ce processus. Bon nombre des femmes avec lesquelles nous travaillons ont été enlevées de force ou retenues en otage. D’autres ont volontairement rejoint les rebelles et croient participer à une cause juste. Pour bon nombre de ces femmes, partir n’est pas facile. La stigmatisation à laquelle elles sont confrontées lorsqu’elles retournent dans leurs communautés est bien réelle.

J’essaie de créer un espace où les femmes peuvent exprimer leurs peurs et leurs réserves. Toutes ces femmes doivent être comprises et écoutées comme des personnes qui ont subi des violences et des traumatismes.

Ce travail est dur et épuisant. En tant que femme, on me reproche constamment d’être trop active et trop visible. Ou on me dit que je ne devrais pas voyager seule ni faire trop de bruit. J’ai reçu des menaces sur les réseaux sociaux, disant que ce que je fais érode les valeurs traditionnelles.

Pourtant, quand je suis concentrée sur le travail à accomplir, je peux bloquer les stéréotypes et les injures. Beaucoup de jeunes femmes m’ont dit qu’elles se tournent vers moi pour trouver de l’inspiration, alors quand je suis fatiguée ou démoralisée, je me dis que je dois continuer pour pouvoir leur passer le relais. Elles ont le pouvoir de changer l’avenir des femmes au Nigeria. Je veux leur dire que ce ne sera pas facile, mais elles doivent tendre la main, prendre le relais et continuer à courir en avant. »


ODD 16 : Paix, justice et institutions efficaces

Fatima Askira est la fondatrice de l’Initiative Borno pour le développement des femmes (« Borno Women Development Initiative ») (Nigeria), une organisation qui conçoit et met en œuvre des programmes d’éducation et d’autonomisation pour les femmes touchées par l’insurrection de Boko Haram. ONU Femmes s’est entretenue avec Fatima Askira à l’occasion du 20e anniversaire de la résolution 1325 du Conseil de sécurité des Nations Unies, qui continue de façonner les priorités concernant les femmes, la paix et la sécurité, dans le but d’inclure les femmes et l’analyse des disparités entre les sexes dans tous les aspects de la prévention des conflits, de la paix et de la reconstruction. Indispensables à la réalisation de ces priorités, les femmes leaders artisanes de la paix acquièrent et exercent leur pouvoir de décision.