À Gaza, nous aidons les mères à retrouver leurs enfants dont elles ont été séparées en raison du confinement dû à la COVID-19

En Palestine, le confinement dû à la COVID-19 a laissé de nombreuses femmes sans soutien légal pour obtenir le droit de visite et de garde des enfants. Les anciens partenaires ont profité de la paralysie juridique pour empêcher les mères de voir leurs enfants ou pour cesser de payer les pensions alimentaires. Un programme conjoint d’ONU Femmes, du PNUD et de l’UNICEF a permis de former des avocats et de fournir une aide juridique gratuite à 371 Palestiniennes.

Date:

Marima* était désespérée après que son mari l’a abandonnée avec leurs deux jeunes filles (âgées de 1,5 et 3 ans), pour les laisser sans soutien financier.

« Je n’avais pas les moyens de leur acheter des couches ou du lait », se souvient-elle. « Je suis allée voir sa famille pour me plaindre du comportement de leur fils et de la façon dont il nous a quittées et je leur ai demandé de l’aide pour mes filles. Ma belle-mère s’est vraiment fâchée et m’a forcée à quitter leur maison sans mes filles. Je suis partie en pensant que je pourrais récupérer mes filles le lendemain parce qu’elles étaient si jeunes et avaient besoin de moi. Mais on ne m’a pas laissée faire. »

Marima a essayé de faire revenir ses filles, mais elle n’avait pas les moyens de payer un avocat et n’avait personne vers qui se tourner pour obtenir de l’aide.

Comme dans le reste de la Palestine, le droit de la famille à Gaza est basé sur le droit islamique de la famille, qui régit les droits des musulmans pour le mariage, le divorce, la garde des enfants et les pensions alimentaires. La situation économique est cependant désastreuse et peu de femmes ont les moyens de payer un avocat pour déposer une demande de garde ou de pension alimentaire.

Certaines femmes ont ensuite parlé à Marima du Palestinian Center for Human Rights (PCHR) et de l’aide juridique gratuite qu’elles y ont trouvé. Marima n’avait pas vu ses filles depuis trois mois lorsqu’elle s’est rendue au centre pour la première fois. Après avoir entendu son histoire, un de leurs avocats a déposé une demande de garde en son nom et le tribunal a statué en sa faveur.

« J’étais ravie à l’idée de retrouver mes filles après si longtemps », se souvient-elle. « Mais ensuite, à cause des mesures dues au coronavirus, les institutions publiques, dont le tribunal de la charia et sa police chargée de faire appliquer les décisions, ont fermé et la décision n’a pas été appliquée ».

Lorsque la bande de Gaza a été fermée en mars 2020, pour limiter la propagation du coronavirus dans l’une des zones les plus densément peuplées du monde, la suspension des tribunaux a laissé de nombreuses femmes sans aucun soutien juridique pour voir leurs enfants. De nombreux ex-maris ont profité de cette paralysie juridique pour empêcher les mères de voir leurs enfants ou pour cesser de payer les pensions alimentaires.

Marima s’est à nouveau sentie désespérée. En l’absence des tribunaux, son avocat a activé le réseau des relations publiques du PCHR et s’est adressé à la police judiciaire et à sa belle-famille pour résoudre la situation à l’amiable.

« Heureusement, suite aux appels du PCHR et d’autres organisations à but non lucratif [qui ont précisé] que les cas urgents comme le mien ne pouvaient pas attendre le déconfinement, le tribunal a décidé de reprendre le travail sur ces cas », précise Marima. « J’étais très heureuse de retrouver enfin mes filles après trois mois de séparation ! »

Son avocat a alors procédé à une demande de pension alimentaire. Comme son mari était parti à l’étranger en Turquie, ils ont demandé le soutien du « Fonds de pension alimentaire » public jusqu’à son retour.

PCHR trainee lawyer Haya Al Wehaidi filing a request for her client to be granted   custody of her minor children at a Sharia court in Gaza Photo: PCHR
Haya Al Wehaidi, avocate stagiaire du PCHR, dépose une demande de garde des enfants mineurs pour sa cliente auprès d’un tribunal de la charia à Gaza. Photo : PCHR

Le PCHR travaille sur un programme conjoint avec ONU Femmes, le PNUD et l’UNICEF, intitulé « Promotion de l’État de droit en Palestine » (SAWASYA II). Financé par les gouvernements des Pays-Bas, de la Suède et de l’Espagne, le programme forme de jeunes avocats au droit islamique de la famille, afin qu’ils puissent assurer la représentation juridique des Palestiniennes les plus vulnérables devant les tribunaux. Depuis le début de son partenariat avec ONU Femmes en juillet 2019, le PCHR a formé 29 avocats et fourni une aide juridique gratuite, dont des consultations et une représentation, à 371 Palestiniennes. Depuis l’introduction des mesures de lutte contre la COVID-19 en mars 2020, le Centre a fourni une représentation juridique et des consultations à plus de 150 femmes, par téléphone, jusqu’à ce que les rencontres en personne soient autorisées.

Mona al-Shawa, directrice de l’unité des femmes du PCHR, affirme que la situation économique difficile de Gaza empêche de nombreuses femmes d’accéder à la justice et aux droits de garde et de pension alimentaire. « La plupart des femmes qui viennent chez nous n’ont même pas les moyens de se déplacer. Les cas les plus urgents concernent des pensions alimentaires », explique Mona al-Shawa. « Les autres cas sont des droits de visite et de garde des enfants. »

En cas de divorce ou de séparation, les femmes ont le droit de voir leurs enfants pendant une durée limitée, lorsque le père a le droit de garde.

PCHR trainee lawyer Bissan El-ledawi files an alimony case on behalf of a divorced beneficiary in Gaza. Divorced women in the Gaza Strip are particularly vulnerable and often face stigma and financial instability and risk losing custody of their children. Photo: PCHR
Bissan El-ledawi, avocate stagiaire du PCHR, dépose une demande de pension alimentaire au nom d’une bénéficiaire divorcée à Gaza. Les femmes divorcées de la bande de Gaza sont particulièrement vulnérables et sont souvent confrontées à la stigmatisation et à l’instabilité financière, et risquent de perdre la garde de leurs enfants. Photo : PCHR

Amina* est une mère divorcée de deux jeunes adolescents (12 et 13 ans) qui vivent avec leur père. Selon la loi, elle a le droit d’accueillir ses enfants pendant 24 heures deux fois par mois et de les voir dehors une fois par semaine pendant trois heures.

« Même si c’est trop peu, cette fois-ci, c’était plus que le temps que mon ex-mari voulait que j’aie avec mes enfants. Il ne voulait plus que je les voie du tout. Il trouvait toujours des excuses pour ne pas les laisser venir me voir », dit-elle. « Quand le coronavirus a commencé à se répandre à Gaza, il s’en est servi comme prétexte pour les empêcher de venir me voir. »

Son mari a alors déposé une plainte pour annuler le droit de visite d’Amina. Mais elle s’est adressée au tribunal, représentée par la PCHR, et le tribunal a statué en sa faveur.

« J’avais peur de mon mari. Maintenant, il a peur de moi », dit-elle, confiante. « Il sait que je me sens en sécurité et que la loi est de mon côté. Il sait que j’ai des avocats qui attendent et que je suis prête à le poursuivre à nouveau s’il essaie de m’empêcher de voir mes enfants ».

« Nous avons vu comment la COVID-19 a eu un impact négatif sur les femmes palestiniennes de différentes manières, y compris son impact sur leurs droits de garde des enfants », explique Maryse Guimond, représentante spéciale d’ONU Femmes en Palestine. « En temps de crise, tous les efforts doivent être faits pour aider les femmes à accéder à la justice et à revendiquer leurs droits ».

*Les noms ont été changés pour protéger l’identité des personnes.