Bosnie-Herzégovine : Protéger les témoins de viols en temps de guerre

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Le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie a intenté des poursuites contre les auteurs de viols et autres crimes de guerre. Source: ICTY

Plus de dix ans se sont écoulés depuis que le Témoin No.99 a été appelé à la barre du Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie de La Hague.

La femme désignée Témoin No.99, dont la voix a été déformée et le visage recouvert d'un manteau en vue de préserver son anonymat pendant le procès, a raconté à la cour comment elle avait été emprisonnée dans un complexe sportif situé au centre du village de Foca avec 100 autres femmes et filles, et régulièrement violée par les forces militaires menées par les Serbes.

Elle a décrit la manière dont les soldats entraient la nuit tombée et montraient du doigt celles qu'ils voulaient. « Toi, toi et toi… et les filles devaient obtempérer. Ils nous traitaient comme du bétail ou des animaux. J'ai vu emmener de nombreuses femmes, sans savoir si je les reverrais un jour » a-t-elle indiqué.

Le témoignage du Témoin No.99 a permis de donner la parole à toutes les victimes de violences sexuelles liées aux conflits en Bosnie, dont le nombre est estimé entre 20 et 40 000.

Le film « I came to testify » (« Je suis venue témoigner ») produit par la chaîne de télévision américaine PBS et appuyé par ONU Femmes raconte les histoires des 16 premières femmes bosniaques à avoir témoigné sur leurs viols à la Hague.

L'historique décision judiciaire prise par le TPIY de poursuivre, pour la première fois dans l'histoire, le viol en tant que crime de guerre, s'est basée sur l'impact de leurs témoignages. Elle établit un important précédent pour que les futurs procès, tels que ceux du Tribunal pénal international pour le Rwanda et la Cour pénale internationale, traitent le crime de viol en temps de guerre de la même manière.

La Bosnie n'est plus en guerre, mais n'est toujours pas en paix. Lorsque les femmes qui ont survécu au camp de viols de Foca sont retournées dans ce village après la guerre pour apposer une plaque commémorative sur le btiment où elles avaient été emprisonnées, torturées et violées, les villageois du coin se sont rués sur la voiture et les ont empêchées de s'approcher des lieux.

16 ans après la fin de la guerre, la condition des rescapées des viols en temps de guerre et d'autres formes de violences sexuelles n'a toujours pas été pleinement prise en compte et continue de hanter les femmes. Les femmes victimes de viols en temps de guerre, et les nombreux enfants conçus lors de ces viols, font toujours l'objet d'une forte stigmatisation et continuent d'être rejetés en marge de la société. Dans le cadre du programme régional sur les femmes, la paix et la sécurité, ONU Femmes a aidé les rescapées à reconstruire leurs vies et à se tourner vers l'avenir. Elle a également contribué à mener à bien la poursuite des affaires de viols en temps de guerre.

ONU Femmes aide l'organisation non gouvernementale Medica Zenica à fournir des soins globaux et efficaces aux rescapées des viols en temps de guerre ainsi qu'aux témoins avant, pendant et après leurs procès. ONU Femmes travaille également avec l'ONG Association Alumni du Centre d'études interdisciplinaires et les Tribunaux de Bosnie-Herzégovine pour suivre le déroulement des procès pour viols en temps de guerre, s'informer sur le traitement accordé aux témoins par les juges et les procureurs, et fournir une formation et un appui techniques afin d'améliorer les poursuites judiciaires pour viols en temps de guerre.

ONU Femmes a récemment apporté son assistance à l'Association Track Impunity Always (TRIAL) en vue de l'élaboration de deux publications donnant aux rescapées et aux procureurs des directives concrètes sur les mécanismes juridiques internationaux pouvant les aider à obtenir justice : l'ouvrage « Situation des femmes victimes de viols ou d'autres formes de violences sexuelles pendant la guerre en Bosnie-Herzégovine » ainsi que le manuel juridique « Entre stigmatisation et oubli : guide de défense des droits des femmes victimes de viols ou d'autres formes de violences sexuelles en Bosnie-Herzégovine ».

Ces guides ont pour objectif d'autonomiser les rescapées et leurs associations pour défendre et faire respecter leurs droits, ainsi que d'honorer le courage des 16 premières femmes à s'être rendues à la Hague pour demander justice au nom des femmes de Bosnie-Herzégovine.