Une sécurité mondiale: des choix cruciaux pour l’Amérique abordable et le monde
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Remarques de Michelle Bachelet, Secrétaire générale adjointe des Nations Unies et Directrice exécutive d'ONU Femmes au Table-ronde sur la sécurité abordable: réalités financières et économiques 27 mars 2012 Washington, D.C.
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Bonjour. C'est un plaisir de me trouver ici parmi vous tous. Je souhaiterais remercier notre Président, Francis Finlay de l'East West Institute, qui a coparrainé cette Conférence. Ainsi qu'il l'a indiqué, cette table-ronde est consacrée à la sécurité abordable et aux réalités financières et économiques.
Mesdames et Messieurs,
Tandis que notre monde évolue au rythme des nouvelles technologies et d'une interconnectivité croissante, les gouvernements et les institutions éprouvent des difficultés à rester en phase avec la dynamique rapide du changement. Les institutions dotées de structures hiérarchiques et de procédures bureaucratiques et utilisant des approches fragmentées et cloisonnées se trouvent contraintes de répondre aux réalités financières et économiques actuelles, qui sont complexes et fortement influencées par les acteurs non-étatiques.
Je souhaiterais aujourd'hui m'attarder sur quatre domaines dans lesquels il est possible de renforcer la sécurité.
Il ne peut y avoir de sécurité sans développement durable, et il n'y a pas de développement durable sans sécurité.
Dans un premier temps, il nous faut réorienter le rôle des gouvernements et des institutions multilatérales afin de répondre aux défis financiers et économiques d'aujourd'hui.
Je lis ou entends souvent des commentaires évoquant la possibilité d'une autre crise économique majeure, que certains estiment même inévitable. J'entends également que les enseignements tirés de la crise de 1998, qui a poussé plus de 100 millions de personnes dans la pauvreté, n'ont pas été pris en compte, que les réglementations nécessaires n'ont pas été mises en place, et que les mêmes activités qui ont mené au récent retournement économique continuent de plus belle aujourd'hui. Si cette analyse est correcte, cela n'est pas de bon augure pour la sécurité mondiale et la sécurité des individus.
Il devient clair que nous devons nous orienter vers des modèles économiques qui se focalisent non seulement sur les profits à court terme, mais aussi sur une croissance inclusive et équitable qui protège l'environnement. Le Programme des Nations Unies pour l'environnement définit l'économie verte comme une économie qui « conduit à l'amélioration du bien-être humain et de l'équité sociale, tout en réduisant de manière significative les risques environnementaux et les pénuries de ressources écologiques. »
La nécessité de contrôler les comportements à risques et de protéger les citoyens contre la pauvreté absolue et la déchéance apparaît clairement. Les gouvernements doivent veiller à ce que les ressources soient allouées avec efficacité, que la main-d'œuvre soit bien éduquée, que des emplois soient créés, que les consommateurs soient protégés, que les gens bénéficient d'un standard de vie décent, et que l'environnement soit protégé.
En second lieu, et cela est lié au premier point que j'ai évoqué, nous avons besoin d'un leadership éthique. Un tel leadership a été exigé l'an dernier par les manifestants à travers le monde - depuis ceux qui ont campé dans des tentes à Occupy Wall Street jusqu'aux étudiants et travailleurs organisant des marches dans les rues européennes, en passant par les populations revendiquant la liberté et la démocratie dans le monde arabe.
Ce n'est pas un hasard si Time Magazine a fait des manifestants la personne de l'année. Ces manifestants appelaient à un leadership éthique - un leadership pour réduire l'insécurité et l'inégalité économiques, un leadership pour faire face aux opportunités et au chômage élevé, et un leadership pour éliminer l'appt du gain, la corruption et la répression.
Le leadership éthique s'appuie sur la stabilité politique et la sécurité qui sont enracinés dans la paix, l'accès aux opportunités, des standards de vie décents et la volonté du peuple. Le leadership éthique promeut le développement durable fondé sur la justice économique, sociale et environnementale. Pour parler simplement, le leadership éthique protège le bien-être des générations actuelles et à venir.
Les scientifiques estimant que les niveaux de la mer pourraient augmenter de 23 pouces (IPCC) ou plus d'ici la fin du siècle, et alors que les changements climatiques ont déjà des conséquences de plus en plus graves sur le développement et la sécurité, un leadership éthique est nécessaire pour nous sauver des futures crises économiques, sociales et environnementales.
Troisièmement, nous avons besoin de protection sociale et de création d'emplois.
Malgré six décennies de forte croissance économique, et un PIB mondial qui est dix fois plus important qu'en 1950 en termes réels, l'accès aux bénéfices et aux services de protection sociale demeure un privilège que relativement peu de gens peuvent s'offrir.
Aujourd'hui, environ 5,1 milliards de personnes, soit 75% de la population mondiale, ne sont pas couverts par une sécurité sociale adéquate.
1,4 milliard de personnes vivent avec moins de 1,25 dollar E.U. par jour.
38% de la population mondiale, soit 2,6 milliards de personnes, n'ont pas accès à des installations d'assainissement adéquates.
884 millions de personnes manquent d'accès aux sources appropriées d'eau potable.
Et beaucoup trop de monde, notamment chez les jeunes, est au chômage.
La sécurité doit s'enracinée dans des stratégies gouvernementales et de croissance inclusives, qui assurent des services et des emplois aux gens.
L'exclusion persistante d'un grand nombre de personnes représente un énorme gaspillage de potentiel humain et économique de même qu'une menace à la sécurité. Cela est particulièrement important dans un contexte de vieillissement accéléré de la population dans les pays ne bénéficiant que d'une faible couverture au niveau des systèmes de pensions et de santé. Il est particulièrement important, étant donné les inégalités croissantes chez la majorité des pauvres aujourd'hui, pauvres qui, pour la première fois dans l'histoire, vivent non pas dans les pays pauvres, mais à revenu intermédiaire.
L'extension de la protection sociale, qui s'appuie sur des socles sociaux de base, est la pièce manquante d'une mondialisation plus juste et inclusive.
La notion de Socle social est très claire :
D'abord, chacun doit pouvoir au moins accéder aux services sanitaires de base, à l'éducation primaire, au logement, à l'eau et à l'assainissement, et aux autres services essentiels.
En deuxième lieu, personne ne doit vivre en-dessous d'un certain niveau de revenu. Cela signifie que chacun doit avoir accès aux garanties de sécurité de base au niveau du revenu, qui peuvent être données sous la forme de divers transferts sociaux (en espèce ou en nature), telles que les pensions pour les personnes gées et les personnes ayant des handicaps sérieux, les allocations familiales et/ou les indemnités chômage.
La protection sociale ne concerne pas seulement la fourniture de services, elle vise aussi à donner aux gens la possibilité de travailler en bénéficiant d'un salaire et de conditions de travail décents.
Je peux vous dire cela en vertu de ma propre expérience de Chef d'Etat. La protection sociale a été au cœur de mon gouvernement au Chili pendant la période 2006-2010.
De nombreuses réformes ont été mises en œuvre, et de gros investissements ont été réalisés pour renforcer l'accès à la santé, aux pensions, à l'éducation, au logement, à l'eau et à l'assainissement, et notamment pour promouvoir le développement des enfants et renforcer l'égalité des sexes.
Aujourd'hui, grce aux programmes de protection sociale, de nombreux pays, de l'Argentine au Brésil, en passant par l'Inde et le Rwanda, ont été en mesure de réduire la pauvreté, la faim et les inégalités, et de promouvoir la santé et l'éducation, la protection de l'environnement et l'autonomisation des femmes.
Et si vous pensez que ces programmes sont trop onéreux, réfléchissez à deux fois. Ces programmes sont abordables. Les études menées à bien par l'Organisation internationale du travail, en consultation avec le Fonds monétaire international, montrent que dans les pays tels que le Bénin, le El Salvador, le Mozambique et le Vietnam, les principaux programmes assurant un socle de protection sociale coûteraient entre 1 et 2% du PIB.
En fait, sur le long terme, les socles de protection sociale, ne sont pas seulement abordables, mais peuvent aussi se financer eux-mêmes - en renforçant la productivité de la main-d'œuvre, en donnant un coup de fouet à la demande agrégée et en générant ainsi de plus amples revenus fiscaux.
Il est donc essentiel de souligner ici que les programmes de protection sociale font partie de l'équation de la sécurité mondiale abordable.
Mon quatrième point, final, est que nous devons mettre un accent particulier sur les femmes et les jeunes dans notre quête de la paix, du développement et de la sécurité.
Où que nous regardions dans le monde d'aujourd'hui, nous voyons que les droits de l'homme et la dignité humaine ne sont pas respectée ; là où règne l'injustice et l'inégalité croissante, l'insécurité grandit.
C'est dans les pays déchirés par les conflits que l'insécurité est la plus forte. Lorsque l'on déploie des troupes et que l'on décide de s'engager militairement, cela coûte des milliards de dollars.
Si vous pouvez prévenir un conflit - par le biais de négociations, de la collecte d'informations et de la diplomatie, et d'investissements pour améliorer le bien-être des gens -, vous économisez des ressources et vous sauvez des vies.
La meilleure assurance pour la sécurité est de prévenir les conflits. La meilleure manière de renforcer la sécurité est de s'engager et d'écouter les gens pour planifier l'avenir.
Aujourd'hui, deux groupes se mobilisent et veulent faire entendre leur voix. Ils veulent contribuer à un monde plus pacifique, juste et sûr. Je veux parler des femmes et des jeunes.
La moitié du monde est constituée de femmes - et la moitié du monde a moins de 25 ans.
Près de 90% des jeunes vivent dans des pays en développement - près d'un milliard vivent en Asie et en Afrique.
Pourtant, ils se voient dénier toute égalité des chances et de participation.
Il est temps d'autonomiser les femmes et les jeunes.
Autour du monde, les femmes éduquent les enfants… elles sont l'élément central de familles solides… de plus en plus, elles deviennent entrepreneurs.
Où que je voyage, je demande instamment aux dirigeants de faire participer davantage les femmes à la prise de décisions. Plus de femmes au sein des cabinets ministériels. Plus de femmes au sein des législatures. Plus de femmes au sein des conseils d'administration.
La pleine participation des femmes renforce la démocratie, la paix et le développement durable.
En favorisant les droits de la femme, et en élargissant leur participation à la consolidation de la paix, nous investissons dans une sécurité mondiale abordable.
Mesdames et Messieurs,
La crise économique mondiale est une crise mondiale de l'emploi. Et ce sont les jeunes qui sont le plus durement frappés.
Les taux de chômage des jeunes se trouvent à des niveaux record : deux, trois, parfois même six fois le taux des adultes.
Si davantage de jeunes décrochent des diplômes universitaires, leur scolarisation ne les a pas préparés au marché du travail d'aujourd'hui. Et un nombre insuffisant d'emplois est créé.
Cela doit changer.
Le monde aura besoin de 600 millions d'emplois nouveaux au cours de la prochaine décennie.
Si des mesures urgentes ne sont pas prises pour endiguer la vague du chômage des jeunes, nous risquons de créer une « génération perdue » d'opportunités gchées, de potentiel gaspillé et de menaces renforcées à la sécurité.
Mesdames et Messieurs,
Un choix s'impose à nous.
Les jeunes peuvent être considérés comme des partenaires pour forger nos sociétés, ou ils peuvent être exclus et laissés dans leur coin à ruminer leur frustration.
Répondre aux besoins et espoirs des femmes et des jeunes du monde n'est plus une option, c'est une nécessité.
Il n'existe pas de réponse facile, mais nous savons que la paix, la politique inclusive, le développement et la sécurité sont interconnectés et se renforcent mutuellement.
Chacun d'entre vous dans cette salle fait preuve d'un dévouement sans borne pour régler ces questions, et c'est notre cas aussi aux Nations Unies et à ONU Femmes. Je suis impatiente de travailler avec vous pour trouver une manière juste, pacifique et sure d'avancer. Merci de votre attention.