Au Bénin, les petits groupements d’épargne et de crédit impulsent l’autonomisation des femmes rurales
Dans toute l’Afrique rurale, les femmes paysannes tirent avantage des groupements d’épargne et de crédit pour faire progresser leurs microentreprises. Environ 40 % des bénéficiaires du Fonds pour l’égalité des sexes d’ONU Femmes en Afrique utilisent aujourd’hui cette méthodologie qui conduit à des résultats dans les domaines de l’amélioration de la nutrition, du développement des entreprises et de la gestion durable des terres. Le programme de Miguéze, par exemple, a aidé 2 780 personnes et les femmes s’érigent aujourd’hui en leaders et en modèles à suivre.Date:
Adja Rainatou est une femme de 35 ans qui vit dans la périphérie de Bantè, commune située au centre du Bénin. Agricultrice depuis de nombreuses années, elle cultivait du maïs, du soja, des arachides et des noix de cajou, mais sans jamais savoir si elle générait un quelconque profit. La comptabilité n’était pas son fort. Après avoir rejoint le programme de Miguéze en 2016, un groupement d’épargne et de crédit appuyé par le Fonds pour l’égalité des sexes d’ONU Femmes, Adja Rainatou a pu apprendre pour la première fois des rudiments de comptabilité et de tenue de comptes. Forte de ces nouvelles compétences, elle a ajusté le prix de ses récoltes et s’est concentrée sur la production de cultures plus rentables. « Mon mari est fier des connaissances que j’ai acquises. Depuis que j’ai rejoint ce groupement, cela a eu un impact positif sur ma famille d’un point de vue financier et aussi, maintenant, il y a plus d’égalité au sein de mon foyer », témoigne Adja Rainatou.
Mouniratou Djiman, membre du même groupement d’épargne et de crédit (GEC), a contracté un prêt de 40 dollars. Avec cet argent, elle a acheté des pommes de cajou quand le prix était bas et quelques semaines plus tard, elle a extrait les noix et les a vendues pour le double du prix, réalisant ainsi un bénéfice non négligeable.
Mouniratou explique: “J’aime acheter les sojas (pommes de cajou) quand leur prix est bas ; je les stocke et je les vends quand le prix monte. Mais avant de m’associer au groupement, si je voulais un prêt, cela me prenait des mois pour réunir tous les papiers demandés. Avant même de l’avoir obtenu, le prix des sojas avait grimpé et j’étais incapable de faire assez de bénéfice pour le rembourser et payer les intérêts élevés. Maintenant c’est vraiment simple, je fais la demande de prêt et une semaine plus tard, je peux acheter les sojas tant que le prix est encore bas et je peux facilement rembourser le prêt. De plus, les intérêts sont redistribués entre les membres et comme ça je ne me sens pas arnaquée ».
Les règles du groupement d’épargne et de crédit sont simples : un petit nombre de femmes, entre 10 et 35, se réunissent et forment un groupe. Elles élisent une présidente, une secrétaire et une trésorière, et chaque semaine elles mettent leurs économies dans un pot commun. Après quelques semaines ou quelques mois, n’importe quel membre peut solliciter un prêt et doit le rembourser dans les trois mois, en payant un taux d’intérêt allant de 5 à 10 %. Le prêt leur sert à investir dans leur petit commerce ou petite entreprise, par exemple pour acheter des semences, du bétail et des outils pour accroître la productivité. Les intérêts sont répartis entre les membres du groupe, et donc tout le monde y gagne. Les prêts ne nécessitent pas de garanties d’actifs, ce qui est particulièrement avantageux pour les agricultrices à petite échelle qui souvent ne possèdent aucune terre ou aucun actif.
Certains groupements ouvrent aussi parfois un fonds de solidarité financé sur l’épargne de chaque membre du groupement, et qui peut être utilisé en cas d’urgence.
«J’ai reçu une donation du fonds de solidarité pour me faire opérer de fibromes. J’ai été hospitalisée pendant une semaine » se souvient Akakpo Cécile de Savalo. Dans un autre cas, le groupement a décidé d’utiliser le fonds pour payer les frais de scolarité du fils d’Atchade Kassim qui, sans cela, aurait été expulsé de l’école.
Les groupements d’épargne et de crédit soutenus par les programmes d’ONU Femmes, parfois appelés également groupes d’entraide mutuelle, sont habituellement composés de femmes ; néanmoins, l’Association nationale des femmes agricultrices au Bénin (appuyée par le programme de Miguéze) a accepté d’accueillir des hommes. Atchade Kassim, éleveur de moutons à Lougba âgé de 45 ans, est l’un des rares hommes à avoir bénéficié de cette ouverture. Avec le prêt qu’il a obtenu, il a fait vacciner ses moutons afin d’éviter les maladies et a construit un enclos. Grâce à cette aide, le revenu de Kassim a augmenté de 25 % et cela lui a permis d’envoyer ses douze enfants à l’école.
Le fait d’inclure des hommes dans l’association a eu pour effet de rassurer les hommes de la communauté et Kassim affirme : « Les maris savent que les femmes dans l’association ne sont pas là que pour s’amuser entre elles ». Mais quand on lui demande pourquoi les hommes ne forment pas de groupement d’épargne et de crédit pour eux-mêmes, il répond : « Parce que les hommes partiraient avec l’argent ! ».
« Je crois fortement dans le recours aux groupements d’épargne et de crédit pour autonomiser les femmes rurales en Afrique, car j’ai vu des milliers de vies transformées, non seulement au Bénin, mais aussi en Tanzanie, en Côte d’Ivoire et en Éthiopie, grâce à ce système » affirme Gaelle Demolis, spécialiste du programme pour l’Afrique du Fonds pour l’égalité des sexes d’ONU Femmes. Elle ajoute : « À l’heure actuelle, ces programmes touchent des milliers de femmes, mais ils pourraient toucher des millions d’entre elles si on pouvait les multiplier. Une fois que ces groupements auront atteint une certaine maturité, ils pourront bénéficier d’un réel soutien de la part des institutions et accéder à des financements plus formels et plus importants des gouvernements, pour faire passer les femmes agricultrices et micro-entrepreneurs du niveau micro-économique au niveau macro-économique ».
Depuis 2016 - 2017, le programme de Miguéze a eu des répercussions positives sur la vie de plus de 2 780 personnes, des femmes des zones rurales pour la plupart, et beaucoup de ces femmes sont maintenant reconnues comme des leaders de leur communauté.