Retour en arrière : Il y a 25 ans, ils étaient à la Quatrième Conférence mondiale sur les femmes

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Il y a 25 ans, plus de 30 000 militants ainsi que les autorités gouvernementales de 189 pays ont débattu d’un programme d’action visant à bâtir un monde où règne l’égalité des sexes, et l’ont adopté. 

Lors de la Quatrième Conférence mondiale sur les femmes, du 4 au 15 septembre 1995, ils ont adopté la Déclaration et Programme d’action de Beijing, le programme le plus complet à ce jour relatif à l’égalité des sexes et à l’autonomisation des femmes.

Ce programme abordait des problèmes qui sont encore urgents à l’échelle mondiale, tels que la pauvreté, les questions environnementales, la violence faite aux femmes, l’éducation des filles, la participation égale des femmes au marché du travail, en particulier dans les emplois hautement qualifiés, dans les industries des domaines scientifiques et technologiques et dans les structures dirigeantes. Il s’est engagé, entre autres objectifs, à promouvoir l’équilibre entre le travail rémunéré et les responsabilités familiales pour les femmes comme pour les hommes.

Retour en 2020 : Alors que notre monde lutte contre la pandémie de COVID-19, que nos forêts brûlent et que nous faisons face à la montée des océans, et que des millions de personnes sont déplacées par les conflits, les femmes et les filles du monde entier subissent les pires conséquences de ces phénomènes. D’ici 2021, 47 millions de femmes et de filles supplémentaires seront poussées dans l’extrême pauvreté, portant le nombre total de femmes vivant avec 1,90 USD ou moins à 435 millions.

Les progrès réalisés pour les droits des femmes semblent au premier abord fragiles. L’égalité des sexes, bien qu’elle soit possible, est toujours hors de portée.

Nous regardons vers le passé et nous allons de l’avant ce mois-ci, célébrant la puissance du mouvement des femmes, et réclamant rien de moins que des actions audacieuses et décisives destinées à garantir une fois pour toutes les droits des femmes en tant que droits de la personne.

Les voix suivantes sont celles de militantes qui ont assisté à la quatrième Conférence mondiale sur les femmes à Beijing, en 1995, et de celles qui ont été marquées par cette rencontre pour toute la vie.

Ayesha Khanam, du Bangladesh

Zefroon Afsary interviews Ayesha Khanem on the social attitudes and perception towards women and girls in Bangladesh. Photo: UN Women/Monon Muntaka
Zefroon Afsary avec Ayesha Khanem. Photo: ONU Femmes/Monon Muntaka

 « Plus de 20 ans de travail de fond et de luttes féministes ont mené à la conférence et au Programme d’action de Beijing. Je me souviens de l’enthousiasme vibrant, de la soif de savoir, du buzz engendré par la présence de trente à quarante mille militants dans une salle ! Ce qui m’a le plus marquée, c’est la possibilité qui m’a été offerte d’affiner mes propres idées sur le pluralisme et de briser mes préjugés et tabous inconscients en nouant des relations avec d’autres militantes qui étaient différentes de moi. »

Quelle est la prochaine étape ? « Les attitudes sociales envers les femmes n’ont pas suffisamment changé. Que ce soit dans la chambre à coucher ou dans la salle de conférence, l’attitude envers les femmes est méprisante. Une culture de la violence a émergé, à la maison, au travail, ainsi que dans les espaces publics. Par ailleurs, la tendance est de blâmer la victime. [Le] manque d’éducation a joué un rôle important en ce domaine. Cela fait des décennies que les programmes d’enseignement traditionnels ignorent les droits de la personne et les questions de genre. »

Jaded Chouwilai, de Thaïlande 

Jaded Chouwilai and Zaak Garrett discuss gender equality.  Photo: UN Women/ Pairach Homtong
Jaded Chouwilai avec Zaak Garrett. Photo: ONU Femmes/ Pairach Homtong

« Après la Déclaration de Beijing, nous avons constaté de nombreux changements importants dans notre pays. Le gouvernement a mis des fonds à disposition et a organisé des campagnes sur le harcèlement sexuel et la violence à l’égard des femmes dans toute la Thaïlande. Environ 20 centres de crise polyvalents ont été créés. Des enquêtrices ont été désignées comme personnes-ressources pour recevoir les plaintes déposées par les femmes victimes d’agressions. Une nouvelle loi a été votée dans le but de protéger les femmes et les enfants contre le harcèlement. »

Quelle est la prochaine étape ? « Nous avons constaté, à la suite d’un sondage, que 60 pour cent des hommes pensent encore que les travaux ménagers sont réservés aux femmes. Pour que les hommes et les garçons contribuent à réaliser un monde égalitaire, ils doivent d’abord accepter que [l’inégalité] entre les sexes les concerne aussi ».

Tonieh Talery Wiles, du Liberia

Tonieh Talery Wiles, talks with youth activist Vickjune Wutoh about women’s rights and political leadership in Liberia. Photo: UN Women
Tonieh Talery Wiles avec Vickjune Wutoh. Photo: ONU Femmes

« La conférence de Beijing nous a donné le sentiment que nous devions faire plus, mettre les choses en perspective et exiger davantage d’actions. L’atmosphère à la conférence était passionnante, [nous étions] ravies de nous retrouver parmi d’autres femmes. La conférence a offert de nombreuses opportunités de réseautage, de discussions et de formations. Au cours de la Conférence, j’ai rencontré des femmes comme Hillary Clinton et la regrettée Winnie Mandela… elles occupaient des postes dirigeants et nous voulions être reconnues. Leur travail a été pour moi une source d’inspiration. Après la conférence, j’ai décidé de me concentrer sur le militantisme et la défense des droits des femmes et des enfants. »

Quelle est la prochaine étape ? « Il existe encore de grandes disparités en matière de participation politique des femmes. Bien que nous ayons eu une présidente, nous avons encore peu de femmes au Parlement et au Cabinet. Nous avons ratifié presque toutes les conventions, mais [il nous reste encore à] changer les mentalités. Les lois adoptées doivent être mises en œuvre et certaines d’entre elles doivent être revues. »

Asiya Khairullina, du Kazakhstan 

Asiya Khairullina at the Fourth World Conference on Women in 1995. Photo Courtesy Asiya Khairullina
Asiya Khairullina. Photo Courtesy Asiya Khairullina

« Le Forum mondial des femmes de 1995 à Beijing a été pour moi un événement mondial étonnant. C’était un véritable centre d’idées, de rencontres, de réunions, de discussions, où chaque femme pouvait trouver son propre sujet, sa place, des personnes aux vues similaires et de nouvelles idées pour approfondir son travail dans son propre pays. Après la conférence, tous les pays ont reçu des principes directeurs, des objectifs clairs et coordonnés, des critères et des stratégies. Avant, on ne séparait pas le concept de femme et de fille. Mais finalement, nous avons pris conscience que sans protéger et renforcer le potentiel des filles et des jeunes femmes, nous ne parviendrons jamais à une situation où les femmes sont confiantes et actives, et réussissent. »

Quelle est la prochaine étape ? « Je pense que les plus grands obstacles à la mise en œuvre du Programme d’action de Beijing sont la baisse des normes éducatives, l’augmentation des tendances patriarcales dans les sociétés, la désunion dans le mouvement des femmes, ainsi que le manque d’objectifs clairs et de compréhension de l’importance de leur réalisation, qui doit être assurée par l’État. Nous devons être unies ; nous ne pouvons oublier les réalisations accumulées au fil des ans. Nous devons les utiliser comme capital intellectuel et politique, ce qui inclut de nouveaux objectifs et de nouvelles perspectives correspondant à notre époque. »

Layla Naffa, de Jordanie 

Layla Naffa at UN Women headquarters in New York. Photo: UN Women/Ryan Brown
Layla Naffa. Photo: ONU Femmes/Ryan Brown

« J’étais fière d’avoir représenté la Jordanie et j’étais très motivée pour apprendre. À mes yeux, [la question n’était pas] ma participation en tant que fin en soi ; ce que je voulais y faire, c’est apprendre, être exposée à une expérience de dimension mondiale afin de pouvoir changer les choses à mon retour en Jordanie. [Après] la Conférence de Beijing, des résolutions profondément novatrices telles que les résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies sur [les femmes, la paix et la sécurité] ont été adoptées parce que, pendant la conférence, il y a eu une levée de boucliers pour que soit abordée la question de la violence faite aux femmes, y compris la traite des êtres humains, le harcèlement sexuel et l’élimination de la violence contre les femmes en temps de guerre et en temps de paix. »

Quelle est la prochaine étape ? « À l’échelle mondiale, [nous] prenons du retard en ce qui concerne [la priorisation] des droits de la personne. Même dans notre région, tout le monde dit « la sécurité d’abord, les droits de la personne ensuite ». Je crois que la question la plus importante aujourd’hui est d’aider les femmes en situation de conflit. Il y a dans presque tous les pays arabes des conflits qui mettent les femmes dans des situations critiques. Donc, pour nous, la première priorité est de fournir des services aux victimes.

Diana Urioste, de Bolivie 

Diana Urioste poses for a photo. Photo Courtesy Diana Urioste
Diana Urioste. Photo Courtesy Diana Urioste

« Le processus préparatoire préalable à la conférence a été important pour recueillir et agencer clairement les revendications, les problèmes et les préoccupations des femmes de diverses cultures, de différentes positions idéologiques de toute la Bolivie et aussi de toute la région andine. Le consensus auquel nous sommes parvenues et les liens que nous avons créés avec les femmes féministes au niveau infrarégional ont été des facteurs essentiels [au succès]. L’inauguration a été un moment mémorable… nous avons pris connaissance de la diversité et de la force des mouvements de femmes et des mouvements féministes : il y avait des femmes de tous les coins du monde, avec des différences culturelles, avec des concepts totalement différents de la politique et des intérêts [différents], et pourtant connaissant les mêmes problèmes de violence et étant en accord avec les objectifs de la conférence. Grâce à la Conférence de Beijing, l’ampleur de la violence faite aux femmes est devenue visible. À titre d’exemple, en même temps que la Quatrième Conférence mondiale sur les femmes, la Bolivie a approuvé la Loi 1674 contre la violence domestique, qui est devenue en 2013 la Loi globale garantissant aux femmes une vie à l’abri de la violence. La loi a fait de la violence familiale un enjeu public et a reconnu le féminicide comme étant un crime. »

Quelle est la prochaine étape ? « Il est maintenant nécessaire d’analyser et de lier la violence faite aux femmes et les droits sexuels et reproductifs des femmes comme étant la question de l’autonomie du corps des femmes. [Une autre exigence] est celle de l’analyse du système patriarcal au sein d’un système colonial et capitaliste, et de ce que cela signifie pour les femmes.»

Asmaa Khader, de Jordanie 

Asma Khader, chief executive of the Sisterhood Is Global Institute (SIGI) in Jordan.  Photo: UN Women/Christopher Herwig
Asma Khader. Photo: ONU Femmes/Christopher Herwig

« La quatrième Conférence mondiale sur les femmes a été un moment important et historique… Elle a non seulement permis au mouvement des femmes, mais aussi aux pays et aux partenaires d’aborder les [diverses] formes de discrimination et de violence à l’égard des femmes, et elle [a souligné] les domaines de préoccupation sur lesquels il faut se concentrer, afin que les droits des femmes pour un avenir d’égalité soient pleinement réalisés. Il ne fait aucun doute que les pays arabes ont fait de grandes avancées [depuis lors]. On constate des progrès importants dans l’éducation des femmes et des filles ainsi qu’une amélioration du nombre de femmes occupant des postes décisionnels aux niveaux exécutif, législatif et judiciaire, et un certain nombre de lois et de constitutions reconnaissent désormais l’égalité entre les femmes et les hommes. »

Quelle est la prochaine étape ? « L’écart entre les lois et leur application demeure un problème. Il reste encore des éléments de législation qui continuent de discriminer les femmes et qui n’accordent pas suffisamment d’attention aux droits des femmes et des filles. Les femmes sont toujours confrontées à de nombreuses formes de violence sans moyens de dissuasion efficaces et sans recours adéquats. Un autre grand défi auquel nous sommes confrontées est la persistance des circonstances exceptionnelles vécues par plusieurs pays arabes, que ce soit ou non en raison de conflits armés… et nous savons toutes et tous que les femmes sont les plus touchées par ces circonstances. »

Heisoo Shin, de Corée 

Women's rights activist Heisoo Shin. Photo: UN Women/Pairach Homtong
Heisoo Shin. Photo: ONU Femmes/Pairach Homtong

« Je peux dire que nous étions toutes enthousiastes à la perspective de participer à la Conférence mondiale de Beijing sur les femmes… Nous nous réjouissions particulièrement au sujet du Programme d’action de Beijing. [Approfondissant nos connaissances sur] ce qu’il appartient aux gouvernements et aux organisations internationales de faire, c’était par exemple la première fois que nous apprenions [l’expression] « intégrer la dimension du genre. » Je pense qu’il était essentiel de déterminer quels étaient les principaux problèmes dans les secteurs critiques. « Des questions importantes, notamment [telles que] celles des femmes dans l’éducation, de la violence faite aux femmes, [ont eu] d’importantes répercussions sur la responsabilité des gouvernements et sur [leurs] obligations au regard du droit, des politiques et de la mise en œuvre du Programme d’action de Beijing. »

Quelle est la prochaine étape ? « Le monde a beaucoup changé, mais de nouvelles difficultés [apparaissent maintenant] pour les femmes. Il y a le fossé numérique, par exemple. Bien que des progrès aient été accomplis en la matière, les femmes doivent affronter le chômage. Il nous faut donc réexaminer la nature des nouveaux défis. Par exemple, la violence contre les femmes dans le cyberespace n’était pas encore un phénomène très répandu à l’époque, mais il existe à présent de nouvelles formes de discrimination et de violence. »