Un acte de courage : les jeunes Éthiopiennes se prononcent contre les mariages arrangés. L’histoire de Fetura Mohammed

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Fetura Mohammed, 16 ans, a saisi le tribunal de première instance à l'ge de 14 ans pour empêcher son mariage précoce. (Photo : ActionAid Éthiopie/Efratan Gizaw)

Fetura Mohammed, 16 ans, a saisi le tribunal de première instance à l'ge de 14 ans pour empêcher son mariage précoce. (Photo : ActionAid Éthiopie/Efratan Gizaw)

Dans le quartier Kombolcha du village de Genda Oromo, en Éthiopie, Fetura Mohammed, une adolescente de 14 ans, a été consternée d'apprendre que son père avait arrangé son mariage avec un homme plus gé.

« J'ai été choquée d'apprendre ce qu'il envisageait de faire car j'avais l'intention de finir mes études et d'avoir mon propre travail avant de me marier », affirme Fetura, qui ajoute être parfaitement au fait des « séquelles physiques et psychologiques dont souffrent les filles qui se marient trop jeunes et de l'existence d'une loi qui protègent les filles contre le mariage précoce. »

Fetura a été informée de ses droits et des lois qui visent à protéger les filles dans son cas grce à un club scolaire qui sensibilise les jeunes étudiants au problème des pratiques traditionnelles préjudiciables telles que le mariage d'enfants, les mutilations génitales féminines et le mariage polygame, très répandues dans sa région. Selon les traditions de sa communauté, les célibataires de 16 ans et plus sont considérées comme un grave tabou et constituent un sujet de honte et de déshonneur pour les filles comme pour leur famille.

Mais Kombolcha accueille un programme local de défense des droits humains à travers lequel ActionAid Éthiopie, bénéficiaire du Fonds d'affectation spéciale de l'ONU à l'appui de la lutte contre la violence à l'égard des femmes (link), promeut la connaissance entre les femmes pour aider à lutter contre les mariages d'enfants et autres pratiques traditionnelles préjudiciables. Le programme fournit également des informations en matière juridique et aident les femmes à s'organiser en groupes de vigilance. Grce à ces groupes de vigilance, les femmes ont mené des actions collectives en collaboration avec les chefs traditionnels et religieux, les clubs scolaires et les institutions locales, afin de sensibiliser le public au problème des mariages d'enfants, d'identifier des cas de figure et de faciliter le recours à la justice.

Fetura a tenté de convaincre son père de ne pas la pousser au mariage et de lui permettre de finir ses études, mais sa réponse a été catégorique : « L'éducation d'une fille n'a aucune valeur.» Gagnée par la colère, elle a décidé d'agir de son côté, en informant ses amis membres du club de lutte contre les pratiques traditionnelles préjudiciables ainsi que ses enseignants. Mais l'intervention du principal fut en vain, le père de Fetura insistant sur le fait qu'il avait le droit de faire ce que bon lui semblait avec la vie de sa fille.

Ses enseignants ont alors fait appel à d'autres groupes de vigilance féminine et leaders locaux du qebelé, afin de porter l'affaire devant le tribunal de première instance. Fetura a fait preuve de beaucoup de courage en témoignant contre son père, qui a été informé par la justice du droit des filles à l'éducation, de leur droit de vivre loin de toute violence, de l'ge légal requis pour contracter mariage et des conséquences juridiques du mariage d'enfants. Ceci a fini par le dissuader et il a finalement permis à sa fille de poursuivre son éducation.

Depuis le démarrage du projet d'ActionAid en 2009, 655 femmes au total se sont formées et organisées en 78 groupes de vigilance, dans 10 quartiers d'Éthiopie. Les 17 groupes de vigilance féminine de Kombolcha ont entamé des discussions avec les dirigeants locaux, les clubs scolaires et les services chargés de l'application des lois afin de mettre fin aux mariages d'enfants et de remettre en question les croyances traditionnelles et religieuses invoquées pour justifier de telles pratiques. Depuis, quelques chefs traditionnels masculins qui toléraient autrefois ces pratiques s'emploient à présent à obtenir leur abolition, tenant le rôle crucial d'agents du changement. Shek Mohamed Hassen, un chef musulman du quartier de Kombolcha, avait pour coutume de célébrer des mariages d'enfants sans se soucier de si la femme avait atteint la majorité, mais il affirme que cela a changé du tout au tout : « La première chose à savoir est l'ge de la fille. Si elle a moins de 18 ans, je ne peux pas autoriser le mariage. Pour connaître son ge, si elle va à l'école, je demande son livret scolaire, et si elle n'en a pas, je demande aux parents sa date de naissance. Si elle est majeure et consentante, j'autorise le mariage. »

Dans les écoles, ActionAid offre son soutien aux clubs de lutte contre les pratiques traditionnelles préjudiciables afin de renforcer le rôle des garçons dans la contestation des mariages d'enfants. Les clubs collaborent et s'impliquent auprès de l'administration scolaire, des groupes de vigilance féminine et de la police locale afin d'identifier les mariages d'enfants arrangés, notamment ceux des filles scolarisées, et d'encourager le recours à la justice.

« Je conseille à mes amies de ne pas abandonner l'école et de défendre leurs droits en prenant des mesures courageuses, tel que je l'ai fait », explique Fetura, à présent gée de 16 ans, et qui poursuit ses études dans l'école de son village, construite avec l'aide d'ActionAid. « J'ai aussi commencé à participer de manière active aux activités mises en place avec l'aide d'ActionAid pour sensibiliser les garçons à la lutte contre le mariage précoce, la violence et les autres formes de pratiques traditionnelles qui portent atteinte aux filles et aux femmes, car je ne veux pas que ce qui m'est arrivé se reproduise avec mes sœurs et mes amies. Grce à ActionAid, les garçons luttent à nos côtés pour défendre nos droits. »

Dans les 10 quartiers d'Ethiopie où ActionAid est présent, de nombreuses filles ont suivi l'exemple de Fetura et se battent pour leurs droits en prenant des mesures pour abolir le mariage d'enfants et autres pratiques traditionnelles préjudiciables de leurs communautés. Elles savent qu'il leur faut du courage, mais elles savent aussi qu'elles peuvent compter sur le soutien de leurs communautés et que l'heure est venue de mettre un terme définitif aux mariages d'enfants.

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Q&R avec Muluken Arefaine sur le mariage d'enfants en Éthiopie