Éditorial : Nous avons dit aux dirigeants du G7 de mettre fin aux inégalités entre les sexes et au patriarcat

Par Phumzile Mlambo-Ngcuka, sous-secrétaire générale des Nations Unies et Directrice exécutive d’ONU Femmes, et Michael Kaufman, cofondateur de la campagne du ruban blanc et membre éminent de l’Instituto Promundo

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La plupart des gens pourraient simplement considérer la réunion annuelle du G7 comme une séance de photos très chère sans rapport avec un changement concret dans leur vie. Mais pour nous qui avons été désignés par le Premier ministre canadien Justin Trudeau pour siéger au sein de son Conseil consultatif sur l’égalité des sexes pour la présidence canadienne du G7, c’était une occasion unique de plaider en faveur d’engagements fermes pour les droits des filles et des femmes. Nous avons eu la possibilité de rencontrer les sept dirigeants lors d’un petit-déjeuner et de promouvoir activement la prise d’engagements concrets et de mesures accélérées pour parvenir à l’égalité des sexes en une génération.

L’égalité des sexes et les droits des femmes bénéficient d’une dynamique et d’un soutien inégalés. Compte tenu de l’adoption universelle des Objectifs de développement durable, qui accordent une place centrale à l’égalité des sexes, et de l’attention mondiale qu’a suscité la campagne #MeToo (#BalanceTonPorc et #MoiAussi en français) ainsi que d’autres initiatives similaires visant à mettre fin au harcèlement sexuel et à d’autres formes de violence à l’égard des femmes, le soutien à l’amélioration de la situation des filles et des femmes n’a jamais été aussi important. Le débat suscité dans nos bureaux et nos magasins, nos salles de conférence et vestiaires, nos salles à manger et nos chambres à coucher doit se poursuivre à la table du G7.

Faisant partie des plus riches économies au monde, les pays du G7 peuvent apporter des changements systémiques étendus au programme mondial pour le développement durable. L’impact des pays du G7 dépasse largement leurs frontières. Nous avons dit aux dirigeants qu’ils doivent mettre à contribution cette influence unique au profit des femmes et des filles.

En collaboration avec le Conseil consultatif sur l’égalité des sexes, nous avons soumis un ensemble complet de recommandations.

Pour commencer, il est essentiel d’éliminer les lois discriminatoires qui perdurent dans les pays du G7 et du monde entier. Nous avons également appelé à la suppression des obstacles qui empêchent les femmes de bénéficier d’une sécurité salariale et de participer au marché du travail. Des mesures concrètes, telles que la promulgation de lois et la mise en œuvre de l’équité salariale, peuvent combler le fossé qui sépare les femmes des hommes. Et les emplois de l’avenir, qu’ils relèvent de l’économie numérique ou de l’intelligence artificielle, doivent contribuer à combler – et non à creuser davantage – le fossé entre les sexes.

Pour la plupart des femmes, la difficulté de trouver un équilibre entre leur vie productive et leur vie reproductive se traduit par une « pénalité de la maternité » qui les confronte à des problèmes majeurs dans l’économie. Les dirigeants du G7 peuvent façonner une économie qui permet de combler le fossé entre les femmes et les hommes, par la prestation de services de garde d’enfants abordables, l’offre de congés parentaux rémunérés et la prise de mesures plus étendues visant à encourager les hommes à assumer la moitié des tâches familiales.

Il est également essentiel de prévenir la violence à l’égard des femmes sur le lieu de travail. Les employeurs, les actionnaires, les clients, les syndicats, les conseils d’administration et les ministres ont tous l’obligation d’assurer la sécurité sur le lieu de travail, de contraindre les agresseurs à répondre de leurs actes et de mettre fin à l’impunité. Il faut appuyer la norme émergente de l’Organisation internationale du Travail visant à éliminer la violence et le harcèlement au travail pour accélérer les progrès dans ce domaine.

Ces initiatives ne se concrétiseront pas sans une participation et une représentation pleines des femmes à toutes les prises de décisions. Nous nous félicitons du nombre croissant de pays dont les cabinets ont une représentation paritaire entre les hommes et les femmes. Davantage de pays doivent suivre leur exemple, ainsi que le secteur privé.

Du fait du contrôle disproportionné que les hommes exercent encore sur nos institutions politiques, économiques, religieuses et médiatiques, il leur incombe en particulier de soutenir activement un changement aux niveaux politique et culturel. La voix et les actions des hommes, y compris nos dirigeants politiques qui sont principalement des hommes, sont essentielles, car elles ont un impact considérable sur les attitudes et les comportements des autres hommes.

Nous saluons l'annonce faite par le Canada, l'Union européenne, l'Allemagne, le Japon, le Royaume-Uni et la Banque mondiale d'un investissement de près de 3 milliards de dollars américains pour l'éducation des filles, comprenant l’investissement le plus important à ce jour dans l'éducation des femmes et des filles en situations de crises et de conflit. C'est un pas en avant important pour mettre en place les fondations d’un futur meilleur.

Dans notre propre travail, et moi-même en tant que Directrice exécutive d’ONU Femmes, écrivaine et militante se focalisant sur l’engagement des hommes à promouvoir l’égalité des sexes et l’éradication de la violence contre les femmes, nous avons observé des changements majeures ces dernières décennies. Grâce au courage des femmes et au leadership des mouvements des femmes, le patriarcat est en train de s’effondrer sous nos yeux.

Cela dit, il est nécessaire de renforcer le leadership. Un engagement ferme de la part des dirigeants du G7 à poursuivre ces objectifs au-delà du Sommet peut déclencher la révolution la plus spectaculaire et la plus profonde de toute l’histoire de l’humanité. Celle qui mettra un terme aux inégalités entre les hommes et les femmes.