Remarques de Michelle Bachelet à l’occasion du lancement d’un nouveau documentaire sur les femmes, les conflits et le maintien de la paix

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À l'occasion du lancement d'un nouveau documentaire, la Directrice exécutive d'ONU Femmes Michelle Bachelet a identifié les domaines d'espoir mais aussi d'urgence relatifs aux femmes, à la paix et à la sécurité. Dans un contexte où le pourcentage des femmes participant aux pourparlers de paix ou présentes dans la composante policière et militaire des missions de la paix reste en-dessous de 10 pour cent, elle a mis en exergue les cinq mesures prometteuses prises pour faire participer les femmes aux processus de redressement postconflictuel. Elle a pourtant continué de souligner la distance qui sépare les engagements pris des mesures restant à mettre en œuvre.

Permettez-moi de commencer en remerciant tous nos amis du gouvernement australien, qui ont conçu ce documentaire et l'ont réalisé en un temps record.
Lorsque l'Ambassadeur Quinlan m'a demandé de participer à ce projet et de nouer un partenariat avec ONU Femmes, j'ai su que cette production serait de haute qualité et utile pour nos activités de plaidoyer et nos formations, et nous avons été ravis d'avoir cette occasion de collaborer avec eux.

Mais je dois avouer que je n'imaginais pas qu'ils puissent faire cela en l'espace de quelques semaines seulement.
Dr. Ryan, merci de bien vouloir féliciter toute votre équipe pour le travail remarquable qu'elle a réalisé, et lui indiquer que nous ferons tout notre possible pour promouvoir ce documentaire et assurer sa diffusion à grande échelle et son utilisation à bon escient.

Et merci à chacun d'entre vous d'être venus pour appuyer ce film ainsi que pour votre intérêt pour un thème qui constitue une priorité essentielle pour nous à ONU Femmes, pour le Secrétaire général et pour nombre d'entre vous ainsi que pour les organisations et les gouvernements que vous représentez, y compris mes collègues qui ont si gracieusement accepté d'assister à cette projection et de prendre la parole dans le cadre de cette table ronde.

Je souhaiterais en quelques minutes vous faire passer un sens de l'urgence et un sens de l'espoir. De l'urgence, parce que, comme le Secrétaire général l'a indiqué au début du film, les progrès que nous avons réalisés sont loin de répondre à l'envergure du problème. Et de l'espoir, car ce qui peut être réalisé si nous joignons nos forces et travaillons ensemble est très prometteur.

Nous sommes préoccupés par la violence en Syrie et au Mali, par la résurgence des combats et des déplacements de populations dans l'Est de la République démocratique du Congo (RDC), au Soudan et au Sud-Soudan, par l'insécurité persistante en Iraq, en Afghanistan et en Somalie, par la complexité des transitions dans le monde arabe et par le relèvement précaire de nombreux pays en situation postconflictuelle où les missions des Nations Unies se préparent à opérer un retrait et à partir.

Nous sommes nombreux à être particulièrement préoccupés par l'impact de ces conflits sur la vie et les droits des femmes, et par le gaspillage du potentiel de consolidation de la paix de la moitié de la population.

Le pourcentage de femmes participant aux pourparlers de paix ou présentes dans la composante policière et militaire des missions de la paix reste en-dessous de 10 pour cent. Il en est de même du pourcentage des dépenses postconflictuelles spécifiquement budgétées pour autonomiser les femmes ou promouvoir l'égalité des sexes. Et pourtant, des millions de femmes et de filles se trouvent déplacées de leurs terres, attaquées sur le chemin des camps de réfugiés, privées d'éducation, mariées précocement, ciblées et tuées pour avoir défendu les droits de l'homme, agressées sexuellement dans les centres de détention ou au sein de leurs propres communautés, condamnées à une vue d'indigence, et dépossédées de leurs moyens d'existence tout en voyant s'évanouir toutes leurs espérances.

Si nous inscrivons la protection de leurs droits dans des lois, des résolutions et des conventions, un minuscule pourcentage d'entre elles obtiennent justice ou réparations pour les crimes dont elles sont victimes. Nous saluons le rôle joué par les organisations locales de femmes dans la promotion de la paix et la réconciliation des communautés, mais il semble que nous ne les ayons pas soutenues ou autonomisées de manière appropriée.

La contribution des femmes à la paix et à la démocratisation ne se traduit pas en général par leur accession à des rôles de leadership au sein des institutions de prise de décisions. Lors des cinq élections parlementaires organisées dans des pays comportant des missions de l'ONU en 2011, on a observé soit un léger déclin soit une modeste augmentation du nombre de femmes élues. Le résultat a été l'attribution aux femmes, en moyenne, de seulement 10 pour cent des sièges au sein des parlements. Sur les 11 accords de paix signés en 2011, seulement deux ont comporté des dispositions spécifiques en faveur des femmes.

Dans le même temps, nous avons désormais à notre portée un certain nombre d'opportunités pour améliorer la situation. J'en évoquerai cinq.

Tout d'abord, le Plan d'action en sept points du Secrétaire général sur les femmes et la consolidation de la paix décrit les séries d'engagements les plus tangibles existants à ce jour dans tout le système des Nations Unies créant des opportunités pour la participation et le leadership des femmes dans les domaines de la médiation, de la planification postconflictuelle, du financement, de la gouvernance, de la sécurité, de l'État de droit et du redressement économique.

Ce Plan inclut un engagement visant à assurer qu'au moins 40 pour cent des bénéficiaires des programmes de relèvement économique postconflictuels sont des femmes, et à allouer au moins 15 pour cent des fonds programmatiques gérés par l'ONU pour appuyer la consolidation de la paix à la prise en compte des droits des femmes et à la promotion de l'égalité des sexes. Des marqueurs de l'égalité hommes-femmes sont actuellement en train d'être appliqués par un certain nombre d'entités des Nations Unies, et permettront probablement de faire augmenter le pourcentage de dépenses consacrées à l'égalité des sexes dans les situations de redressement postconflictuel et de secours humanitaire.

Deuxièmement, l'ONU déploie ses efforts les plus ambitieux à ce jour en vue de renforcer la disponibilité, la capacité de déploiement et l'adéquation des capacités civiles sur le plan de la consolidation de la paix. Dans le cadre de ce processus, nous entreprenons le premier examen holistique de la manière dont l'expertise en matière d'égalité des sexes est structurée et déployée dans les situations postconflictuelles.

Troisièmement, le Département des opérations de maintien de la paix et le Secrétaire général sont déterminés à accroître, à un rythme plus rapide, le pourcentage de femmes participant aux missions de maintien de la paix et occupant des postes de haute direction.

Quatrièmement, un volume croissant de données montrent que l'on pourrait obtenir d'importants dividendes sur le plan de la paix et du redressement en investissant dans l'autonomisation des femmes. Dans de nombreux pays en situation postconflictuelle, 40 pour cent des ménages sont dirigés par des femmes, et les chercheurs ont montré qu'elles consacrent jusqu'à 90 pour cent de leur revenu à l'éducation, la santé et la nutrition des membres du foyer, tant pendant qu'après les conflits. Dans les pays en situation postconflictuelle ayant imposé des quotas électoraux en faveur des femmes, ces dernières représentent en moyenne 34 pour cent des parlementaires.

Fait encore plus prometteur, la représentation politique des femmes connaît une augmentation lorsque les quotas en faveur des femmes sont instaurés, ce qui veut dire qu'une fois que les quotas sont mis en place lors d'une élection, les femmes font encore mieux la fois suivante.

Nous savons également que le fait d'avoir davantage de femmes dirigeantes permet de créer des modèles à suivre, renforçant chez les filles la perception des possibilités et influant sur leurs aspirations. Le fait d'augmenter la proportion d'enseignantes au-dessus de 20 pour cent a une corrélation avec l'accroissement de l'inscription scolaire des filles, et, dans certains cas, avec l'amélioration des résultats des étudiants. Le fait d'augmenter la proportion de femmes officiers de police au-dessus de 30 pour cent entraîne un accroissement du taux de signalement des violences sexuelles et sexistes.

Enfin, ONU Femmes, déterminée à renforcer sa présence sur le terrain et ses capacités dans les pays en conflit ou en situation postconflictuelle, ouvre une autre opportunité. Nous avons saisi cette occasion de travailler avec nos partenaires des Nations Unies sur la formation des soldats de maintien de la paix, en augmentant le pourcentage de femmes présentes dans les listes de médiateurs ainsi qu'en améliorant l'analyse par sexe et en accroissant les preuves de violences sexuelles et sexistes dans le cadre des Commissions d'enquête, pour ne mentionner que quelques exemples.

Nous espérons et prévoyons de faire bien davantage dans un avenir proche. Je me réjouis de la table-ronde et de la discussion à venir, et remercie encore notre hôte, les organisateurs, ainsi que tous ceux qui ont travaillé à l'élaboration de ce documentaire. À ONU Femmes, nous sommes impatients de continuer à collaborer étroitement afin de pouvoir accomplir des progrès encore plus importants.