Mettre les ressources en commun pour promouvoir le développement local: les femmes tanzaniennes prennent leurs vies en main

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La champignonniste Batuli Massawe est devenue une entrepreneuse respectée grce à la formation et à un fonds d'investissement local de femmes. Crédit photo: ONU Femmes, Laura Beke.

« Pour pouvoir se défendre efficacement, il faut savoir unir ses forces » explique Batuli Massawe, une champignonniste de 46 ans qui, après avoir reçu une formation et bénéficié d'un prêt solidaire, est devenue une entrepreneuse respectée au sein de sa communauté de Morogoro, à 190 km à l'ouest de la capitale tanzanienne.

Dans ce pays où une large majorité de la population assure ses moyens d'existence grce à l'agriculture - qui représente plus des deux tiers de l'emploi et près de la moitié de son PIB - le secteur agricole tanzanien est particulièrement féminisé, jusqu'à 80 pour cent des femmes rurales[1] participant aux activités agricoles. Bien que les femmes soient le pilier de l'économie tanzanienne, elles se retrouvent souvent exclues des processus de prise de décisions touchant à leurs vies quotidiennes.

Pour faire face à cette situation, ONU Femmes et le Fonds d'équipement des Nations Unies (FENU) ont lancé un programme pilote de développement local équitable, en partenariat avec les autorités gouvernementales. La municipalité de Morogoto a été choisie pour tester cette initiative, dans le cadre de laquelle ONU Femmes a fourni des conseils en matière de budgétisation tenant compte des questions de genre - un outil permettant d'assurer que les ressources gouvernementales sont utilisées pour répondre aux besoins des femmes comme des hommes.

Le Conseil municipal de Morogoro, qui a dispensé une formation sur l'intégration des questions de genre, a demandé à des groupes de femmes de participer à plusieurs consultations communautaires, en vue d'identifier les questions liées au genre qui devraient être examinées dans le cadre de son processus budgétaire.serait prise au sérieux, dans la mesure où « certaines personnes pensent tout simplement que les femmes ne méritent pas d'être écoutées ».

Esther Nathai Mufui (à gauche) est Trésorière et Emmy Kiula (à droite) Présidente du Fonds d'investissement des femmes tanzaniennes travaillant dans le secteur agroalimentaire (TWIFPT), grce auquel plus de 200 femmes ont regroupé leurs ressources pour stimuler l'agro-industrie locale. Crédit photo: ONU Femmes, Laura Beke.

En Tanzanie, les femmes se voient toujours privées de leur droit de propriété foncière, et de l'accès au crédit ou à l'éducation. En conséquence de quoi, 60 pour cent des femmes tanzaniennes vivent dans la pauvreté absolue[2] .

Emmy a été agréablement surprise en voyant les consultations aboutir à la mise en place du premier projet de développement agro-industriel de Morogoro.

Salome Nyoni, membre du TWIFPT, indique qu'avant la formation, un kilogramme de champignons était vendu pour 4000 shillings tanzaniens (2,50 dollars E.U.). Il se vend désormais pour 6000 shillings tanzaniens (3,70 dollars E.U.). Crédit photo : ONU Femmes, Laura Beke.

« En réunissant des gens de différentes communautés, chacun s'est vu donner l'opportunité de s'exprimer et d'identifier les besoins urgents de la société, y compris au niveau du secteur agroalimentaire » explique Emmy. « Suite à cela, nous avons décidé de mettre en commun nos ressources dans le cadre d'un Fonds d'investissement visant à appuyer les femmes impliquées dans ce secteur précaire ».

Regroupant leurs propres moyens financiers, les 228 membres du nouveau Fonds d'investissement agroalimentaire ont investi plus de 3 000 dollars E.U. (5 millions de shillings tanzaniens), qui ont été depuis lors utilisés pour appuyer les femmes en leur octroyant des prêts et en organisant des ateliers de travail sur les pratiques agro-industrielles.

Dotées de meilleures compétences agricoles et de connaissances accrues en matière agro-industrielle, les agricultrices peuvent assurer une amélioration sensible de la qualité des aliments transformés.

Cette dernière a permis d'accroître la demande pour les produits ayant un prix plus élevé, et de renforcer l'accès des femmes aux marchés.« Nous avons fait énormément changer les choses au sein de la communauté, car nous répondons directement aux besoins des femmes », souligne Emmy, Présidente du Fonds.

« Nous nous réunissons chaque trimestre afin de mesurer les progrès réalisés et de décider collectivement de la manière de réinvestir les recettes du Fonds. Et en prenant des décisions collectives, nous nous tenons mutuellement responsables de nos actions ».

C'est précisément ce sens de l'appropriation qui est au cœur du développement de la communauté. Les autorités locales de Morogoro ont répondu aux défis réels de leur communauté et ont institutionnalisé le leadership des femmes en s'appuyant sur un budget inclusif et tenant compte des questions de genre.

Dotées de revenus plus importants, les femmes sont désormais respectées en tant que contributrices établies du foyer. En retour, elles se sentent plus portées à faire en sorte que leurs voix sont entendues, ce qui renforce le cycle de l'autonomisation.

« La beauté de tout cela est que nous n'avons pas réinventé la roue », ajoute en souriant Esther Nathai Mufui, Trésorière du TWIFPT. « Nous transformions déjà les aliments. Nous rêvions déjà de voler de nos propres ailes. Nous avions seulement besoin d'un petit coup de pouce supplémentaire pour prendre nos vies en main ».


[1] FAO and ILO (2010). ‘Gender dimensions of agricultural and rural employment: Differentiated pathways out of poverty'. http://www.fao.org/docrep/013/i1638e/i1638e.pdf

[2] http://www.tanzania.go.tz/gender.html